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venirs du passé, lui faisait entrevoir, dans les brouillards du matin ou les nuages du soir, les formes bizarres d’une troupe en marche, appelée dans sa langue Sidier d’hu[1] composée de sombres guerriers vêtus de tartans montagnards, et ainsi nommés pour les distinguer des bataillons écarlates de l’armée anglaise. C’est ainsi qu’elle employait une grande partie de la matinée et plusieurs heures de la soirée.


CHAPITRE IV.


l’entretien.


C’était en vain qu’Elspat parcourait des yeux le sentier, depuis le premier rayon de l’aurore jusqu’à la dernière lueur du crépuscule. Nulle poussière ne s’élevait pour annoncer des plumes flottantes au gré du vent et des armes étincelantes. On apercevait le voyageur s’avancer d’un pas lent et insouciant, portant le costume des basses terres et le tartan qu’il avait fait teindre en noir ou en pourpre, pour suivre ou éluder la loi qui défendait de le porter avec ses couleurs bigarrées. L’enfant des montagnes, humilié et découragé par ces règlements sévères, bien que nécessaires peut-être, qui proscrivaient les armes et le costume considérés par lui comme un droit de naissance, montrait, dans sa contenance pensive et triste, l’abattement de son âme. Ce n’était pas dans un tel homme qu’Elspat pouvait reconnaître la démarche légère et dégagée de son fils, à présent surtout qu’il s’était régénéré, selon ses idées, et qu’il s’était dégagé de tous les signes de l’esclavage saxon. Chaque soir, elle ne s’éloignait de sa porte, toujours ouverte, qu’à l’instant où l’obscurité de la nuit l’empêchait totalement de distinguer les objets. Alors elle se jetait sur son grabat, non pour y dormir, mais pour y veiller douloureusement. « L’homme brave, l’homme terrible, disait-elle, marche pendant la nuit ; ses pas résonnent dans les ténèbres, lorsque tout est silencieux dans la nature, hors l’ouragan et la cataracte. Le daim timide ne se montre qu’à l’heure où le soleil est parvenu au sommet de la montagne, mais le loup audacieux marche à la clarté rougeâtre de la lune des

  1. Sidier d’hu, c’est-à-dire, soldats noirs, par opposition à sidier roy, ou soldats rouges. a. m.