Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/114

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— Pourquoi faire usage de semblables mots, ma mère ? » dit le jeune homme en se retournant à demi ; « ils ne sont pas de bon augure, et rien d’heureux ne peut en résulter. Adieu pour ce moment, car nous sommes trop en colère pour causer ensemble. Adieu ! De bien long-temps peut-être vous ne me verrez. » Et il s’éloigna. Elspat, dans la violence de sa colère, fit pleuvoir sur lui un torrent de malédictions, puis, le moment d’après, elle demanda au ciel de les faire retomber sur sa tête, et de les détourner de celle de son fils. Elle passa tout ce jour et le suivant dans toute la démence d’une rage impuissante et hors de mesure, tantôt suppliant le ciel et toutes les puissances surnaturelles, que de sauvages traditions lui avaient rendues familières, de lui ramener son cher enfant, les délices de son cœur ; tantôt cherchant dans l’excès de son ressentiment les termes les plus amers pour lui reprocher sa désobéissance ; puis, tout à coup, étudiant le langage le plus tendre pour se le rattacher et le fixer dans cette cabane que la présence de son fils lui faisait trouver si chère, et que, dans ses transports d’amour maternel, elle n’aurait pas voulu échanger, lorsqu’il y était, pour les appartements somptueux de Taymouth Castle.

Durant ces deux jours, négligeant même de soutenir la nature par les faibles moyens que lui offrait sa situation, il ne fallut rien moins que la force extrême d’un corps habitué aux fatigues et aux privations de toute espèce, pour que son existence ne cessât pas ; et, bien que l’affreuse agonie de son âme l’empêchât de sentir la faiblesse de son corps, elle aurait péri de besoin. Son habitation, à cette malheureuse époque de sa vie, était la même que celle où je la trouvai depuis ; mais alors les soins d’Hamish l’avaient rendue plus commode : car c’était lui qui, en grande partie, l’avait bâtie ou réparée.

C’était le troisième jour après la disparition de son fils. Elle était assise à la porte de sa cabane, se balançant, selon l’usage des femmes de son pays, lorsqu’elles éprouvent quelque peine, quelque tourment. Tout à coup elle aperçoit un étranger traversant la route qui dominait la chaumière. Elle ne fit que jeter un regard rapide sur lui : il était à cheval. Ce ne pouvait être Hamish ; et Elspat était trop indifférente pour tous les autres êtres qui habitaient la terre, pour jeter un second regard de ce côté. L’étranger cependant fit halte à quelque distance de la cabane, et, mettant pied à terre, il s’avança par le sentier tortueux qui conduisait à la porte d’Elspat.