Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 2, 1838.djvu/110

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la force et du courage. Il serait difficile de dire comment elle vécut. Ses seuls moyens apparents d’existence étaient trois ou quatre chèvres qu’elle faisait paître dans les montagnes, partout où il lui plaisait, sans que personne osât lui reprocher de s’introduire sur un terrain qui ne lui appartenait pas. Dans cette détresse générale du pays, ses anciens amis avaient peu de chose à donner ; mais ce qu’ils pouvaient ôter de leur propre nécessaire, ils le consacraient volontiers au soulagement des autres. Quelquefois elle allait chez les habitants des basses terres, bien moins pour solliciter une aumône que pour demander un tribut. Elle n’avait pas oublié qu’elle était la veuve de Mac Tavish Mhor ; et elle s’imaginait que l’enfant dont sa main soutenait les pas chancelants pourrait un jour égaler la réputation de son père, et obtenir le même ascendant qu’il avait jadis exercé sans partage. Elle se mêlait si peu avec les autres habitants des montagnes, elle sortait si rarement et avec tant de répugnance de sa retraite sauvage, où elle vivait avec ses chèvres, qu’elle n’avait aucune connaissance des grands changements qui avaient eu lieu dans le pays ; tels que la substitution de l’ordre civil à la violence militaire, et la force que la loi et les partisans de la loi avaient obtenue sur ceux qui, dans la chanson montagnarde, étaient appelés « les fils impétueux de l’épée. » Elle sentait, il est vrai, la diminution de son importance, et le malheur de sa situation ; mais la mort de Mac Tavish Mhor en était, selon elle, une raison suffisante ; et elle ne doutait pas qu’elle ne parvînt à reconquérir le rang et la considération dont elle avait joui autrefois, lorsque Hamish Beam, ou James le Blond, serait en état de porter les armes de son père. Lors donc qu’Elspat était repoussée durement par quelque fermier brutal à qui elle demandait quelque chose de nécessaire à ses besoins ou à ceux de son petit troupeau, ses menaces de vengeance, exprimées d’une manière obscure, mais terrible, arrachaient souvent à ces hommes, par la frayeur qu’inspiraient ses malédictions, le soulagement refusé à son indigence. La tremblante ménagère qui donnait des aliments ou de l’argent à la veuve de Mac Tavish Mhor, regrettait au fond du cœur que la redoutable sorcière n’eût pas été brûlée vive le jour où son mari avait reçu un châtiment mérité.

Ainsi s’écoulèrent plusieurs années, pendant lesquelles Hamish Beam devint non pas, à la vérité, l’égal de Mac Tavish Mhor par la taille et la force, mais actif, plein d’ardeur et de fierté. C’était