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ombres adoucies. Louis comprit les intérêts de la France, et les soutint avec constance, toutes les fois qu’il put les identifier avec les siens propres. Il préserva le pays de la crise dangereuse de la guerre qualifiée « guerre du bien public » ; il y réussit en rompant cette vaste et dangereuse alliance des grands vassaux de la couronne contre le souverain, entreprise dans laquelle un roi moins prudent et moins temporisateur, plus courageux, plus hardi et moins rusé que Louis XI, aurait probablement échoué. Il avait aussi quelques qualités personnelles qui n’étaient pas incompatibles avec son caractère public. Gai et spirituel en société, il savait caresser sa victime comme le chat, et la flatter encore au moment où il s’apprêtait à lui faire la plus profonde blessure ; personne aussi ne pouvait mieux soutenir et faire valoir la supériorité des raisons grossières et intéressées, par lesquelles il tâchait de suppléer à des motifs plus nobles que ses prédécesseurs eussent puisés dans un éminent esprit de chevalerie.

Dans le fait, ce système chevaleresque était déjà vieilli ; il avait eu même, dans son plus haut degré de perfection, quelque chose de si outré et de si fantastique dans ses principes, qu’il commençait à être tourné en ridicule comme d’autres vieilles modes, et à tomber en discrédit ; les armes de l’ironie pouvaient être employées contre lui sans exciter le dégoût et l’horreur, sentiments avec lesquels, à une époque plus reculée, eût été repoussée toute attaque de ce genre, comme une sorte de blasphème. Le xive siècle avait vu s’élever une secte d’esprits moqueurs qui prétendaient suppléer par d’autres ressources à celles de la chevalerie, et jeter le ridicule sur les principes extravagants et exclusif d’honneur et de vertu, que l’on traitait ouvertement d’absurdes, parce qu’en effet ils affectaient une perfection trop merveilleuse pour être pratiqués par des êtres fragiles. Si un jeune homme doué de sentiments élevés et ingénus se proposait de prendre exemple sur les principes d’honneur de son père, il était exposé aux railleries du monde, comme s’il se fût présenté sur le champ de bataille avec l’épée à deux tranchants de quelque bon vieux chevalier, arme ridicule par sa fabrication et sa forme antiques, quoique sa lame fût de bonne trempe et ses ornements d’un or pur.

C’est ainsi qu’en mettant de côté les principes de chevalerie, on y suppléait par des stimulants plus vulgaires. À la noble ardeur qui poussait tout homme à la défense de son pays, Louis XI substitua les efforts d’une soldatesque mercenaire toujours prête à se