Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/57

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« et moi, je vais aller me sécher, au lieu de rester ici pour répondre à vos questions pendant que l’eau découle de mes vêtements. »

Le négociant se prit à rire encore plus fort en l’entendant parler ainsi, et s’écria : « Pâque-Dieu ! le proverbe ne ment jamais : Fier comme un Écossais. Mais allons, jeune homme, vous êtes d’un pays que j’aime, ayant autrefois trafiqué avec l’Écosse. Les Écossais sont de braves et honnêtes gens, quoique pauvres. Si vous voulez venir au village avec nous, je vous donnerai un verre de vin d’Espagne pour vous fortifier, et un déjeuner chaud pour vous dédommager de votre bain… Mais, tête-bleue ! que faites-vous de ce gant de chasse à votre main ? Ne savez-vous pas que la chasse à l’oiseau est défendue dans un parc royal ? — C’est ce que j’ai appris d’un coquin de forestier du duc de Bourgogne. J’avais à peine lâché sur un héron, près de Péronne, le faucon que j’avais apporté d’Écosse, et sur lequel je comptais pour me faire remarquer, que ce pendard le perça d’une flèche. — Et qu’avez-vous fait alors ? — Je l’ai battu, » répondit le jeune homme en brandissant son épieu ; « je l’ai battu autant qu’il soit permis à un chrétien de le faire sans tuer son homme, car je ne voulais pas avoir sa mort sur ma conscience. — Savez-vous que, si vous étiez tombé entre les mains du duc de Bourgogne, il vous aurait fait pendre comme une châtaigne ? — Oui, j’ai appris qu’à cet égard il va aussi vite en besogne que le roi de France ; mais comme ceci se passait près de Péronne, je franchis d’un saut la frontière, et je me moquai de lui. S’il n’eût pas été d’un caractère aussi prompt, j’aurais peut-être pris du service chez lui. — Il aura fortement à regretter la perte d’un tel paladin, si la trêve vient à se rompre. » En parlant ainsi, le marchand jeta un coup d’œil sur son compagnon : celui-ci répondit par un de ces sourires en dessous qui ne font que passer sur les lèvres et qui animaient sa physionomie comme un léger météore illumine un instant un ciel d’hiver.

Le jeune Écossais s’arrêta tout à coup, et, abaissant sa toque sur son sourcil droit, comme un homme qui ne veut pas qu’on le tourne en ridicule, leur dit d’un ton résolu : « Messieurs, et vous surtout, qui êtes le plus âgé et qui devriez être le plus circonspect, je vous ferai voir, j’espère, qu’il n’est ni sage ni prudent de plaisanter à mes dépens. Le ton de votre conversation ne me plaît nullement. Je puis supporter une plaisanterie, je puis souffrir même une réprimande de la part d’un homme plus âgé que moi, et l’en remercier si je vois que je l’aie méritée ; mais je n’aime pas