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sur lequel l’armée belligérante était obligée de prendre position était marécageux, et coupé par un grand nombre de canaux.

Il serait difficile de se faire une idée de la confusion qui régnait en ce moment dans l’armée bourguignonne. Les chefs ne retrouvaient plus leurs soldats ; les soldats ne reconnaissaient plus ni leurs étendards ni leurs officiers ; tous, sans distinction de rang, cherchaient un abri partout où ils pouvaient en trouver. Les fuyards et les blessés, pêle-mêle au milieu de leur déroute, demandaient en vain des secours et des rafraîchissements ; tandis que les troupes qui formaient l’arrière-garde, ignorant ce désastre, accouraient pour prendre part au sac de la ville, qu’elles croyaient déjà commencé.

À son retour, d’Hymbercourt trouva donc une tâche bien difficile à remplir, et, pour comble de malheur, il essuya les plus vifs reproches de la part de son maître, qui n’eut aucun égard au devoir plus pressant encore dont il venait de s’acquitter. Ne pouvant supporter des reproches si injustes : « C’est d’après vos ordres, lui dit-il, que j’ai été porter des secours à l’avant-garde ; j’ai laissé le corps principal sous le commandement de Votre Altesse, et à mon retour je trouve l’armée dans un tel désordre que je ne vois plus ni front, ni ailes, ni arrière-garde. — Nous n’en ressemblons que mieux à un baril de harengs, répartit le Glorieux, et c’est une comparaison assez juste pour une armée flamande. »

La plaisanterie de son fou privilégié fit rire le duc, et peut-être empêcha-t-elle que l’altercation qui venait de s’élever entre lui et son général n’allât plus loin.

On s’empara d’une petite lust-haus, ou maison de campagne, appartenant à un riche citoyen de Liège ; on en chassa tous ceux qui s’y trouvaient, et le duc s’y établit avec ses officiers. D’Hymbercourt et Crèvecœur placèrent dans le voisinage une garde d’environ quarante hommes d’armes qui allumèrent un grand feu avec le bois que leur fournit la prompte démolition de quelques bâtiments voisins.

À peu de distance sur la gauche, entre cette maison et le faubourg, qui, comme nous l’avons dit, était en face d’une des portes de la ville et occupé par les troupes qui étaient devenues l’avant-garde de l’armée bourguignonne, on voyait une autre maison de plaisance, avec cour et jardin, et ayant sur le derrière deux ou trois petits enclos. Ce fut là que, de son côté, le roi de France établit son quartier général. Il ne prétendait pas à de grands talents