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joues du roi une pâleur instantanée. Mais rappelant bientôt sa fermeté, Louis prit à son tour la parole, et s’adressa au conseil d’un ton si calme et si tranquille, que le duc, quoique tenté à chaque instant de l’interrompre et de l’arrêter, ne trouva aucune occasion de le faire sans manquer au décorum.

— « Nobles de France et de Bourgogne, dit le roi, chevaliers du Saint-Esprit et de la Toison-d’or, puisqu’un roi en est réduit à plaider sa cause en accusé, il ne peut désirer de plus illustres juges que l’élite de la noblesse et la fleur de la chevalerie. Notre beau cousin de Bourgogne n’a fait que rendre plus obscure la querelle qui nous divise, en évitant, par politesse, de l’exprimer en termes précis. Moi qui n’ai pas les mêmes raisons d’observer une si grande délicatesse, et à qui ma position ne permet pas de le faire, je vous demande la permission de parler plus clairement. C’est nous, messieurs, nous, son seigneur suzerain, son parent, son allié, que notre cousin, dont de malheureuses circonstances ont obscurci le jugement et aigri le cœur, c’est nous qu’il ne craint pas d’accuser d’avoir porté ses vassaux à lui manquer de foi, d’avoir poussé le peuple de Liège à la révolte, et excité un scélérat, Guillaume de la Marck, à commettre un cruel et sacrilège assassinat. Nobles de France et de Bourgogne, je pourrais en appeler aux circonstances dans lesquelles je me trouve, comme étant par elles-mêmes la réfutation complète d’une telle accusation ; car est-il possible de supposer qu’à moins d’avoir perdu le bon sens qui est le partage de tout être raisonnable, je me fusse remis moi-même sans réserve au pouvoir du duc de Bourgogne, pendant que je tramais contre lui des trahisons qui ne pouvaient manquer de se découvrir, et dont la découverte devait me placer, comme il arrive aujourd’hui, entre les mains d’un prince justement irrité ? La folie d’un homme qui se coucherait tranquillement sur une mine, après avoir allumé la mèche destinée à en causer l’explosion, serait de la sagesse comparée à la mienne. Je ne doute pas que, parmi les fauteurs des horribles attentats commis à Schonwaldt, des scélérats n’aient prononcé mon nom ; mais en dois-je être responsable, moi qui ne leur ai donné aucun droit de s’en servir ? Si deux femmes insensées, par quelque motif romanesque de déplaisir ou de dégoût, ont cherché un asile à ma cour, s’ensuit-il qu’elles l’aient fait à mon instigation ? Lorsque cette affaire aura été éclaircie, on reconnaîtra que, puisque l’honneur et les devoirs de la chevalerie me défendaient de les renvoyer prison-