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été exposés plus haut, il s’assura les bons offices d’un certain nombre de nobles Bourguignons qui avaient quelque chose à espérer ou à craindre de la France, ou qui redoutaient, si la puissance de Louis venait à être trop diminuée, que leur maître n’entrât d’un pas plus ferme et plus sûr dans la voie du despotisme, vers laquelle il était déjà si naturellement entraîné. Auprès de ceux qu’il jugeait devoir accueillir moins favorablement sa personne ou ses arguments, Olivier employait l’entremise d’autres serviteurs du roi ; et ce fut ainsi qu’il obtint du comte de Crèvecœur que lord Crawford, accompagné du Balafré, eût une entrevue avec Quentin Durward, qui, depuis son arrivée à Péronne, était retenu comme en prison, quoique traité d’une manière honorable. Des affaires particulières servirent de prétexte à cette demande, mais il est probable que Crèvecœur, appréhendant que l’impétuosité de son maître ne le fît se porter envers Louis à quelque acte de violence dont il retirerait de la honte, ne fut pas fâché de fournir à Crawford l’occasion de donner au jeune archer quelques avis qui pouvaient devenir utiles au roi.

L’entrevue des trois compatriotes fut cordiale et même touchante.

« Tu es un singulier garçon, » dit Crawford à Durward en lui passant légèrement la main sur la tête, comme un aïeul le ferait à son petit-fils, « certes, tu as eu du bonheur autant que si tu étais né coiffé. — Tout cela vient de ce qu’il a obtenu si jeune une place d’archer, dit le Balafré ; on n’a jamais tant parlé de moi, beau neveu, car j’avais vingt-cinq ans avant d’être hors de page. — Et tu étais un page montagnard assez laid, Ludovic, dit le vieux commandant, avec ta barbe large comme une pelle de boulanger, et ton dos qui ressemble à celui du vieux Wallace Wight. — « Je crains, » dit Quentin en baissant les yeux, « de ne pas jouir longtemps de ce titre de distinction, car j’ai le dessein de renoncer au service d’archer de la garde. »

Le Balafré resta immobile et presque muet de surprise, et les traits du vieux Crawford exprimèrent le mécontentement. Enfin le premier, recouvrant la parole, put s’écrier : « Te retirer ! renoncer à ta place dans les archers écossais ! on n’a jamais vu une pareille chose. Je ne changerais pas la mienne pour celle de connétable de France. — Paix ! Ludovic, dit Crawford, ce jeune homme sait diriger sa course selon le vent, mieux que nous autres avec notre vieille barbe. Son voyage lui a fourni quelques char-