Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/408

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nous rendre un service à tous deux, et l’un de nous au moins en sera reconnaissant. On m’assure que vos appointements dans cette cour égalent à peine ceux du grand fauconnier : c’est donc ainsi que les services du plus sage conseiller de l’Europe sont mis au niveau ou plutôt au-dessous des services de l’homme qui nourrit et soigne des oiseaux de proie ! La France possède de vastes champs ; son roi a beaucoup d’or. Souffrez, mon ami, que je répare cette scandaleuse inégalité : j’en ai les moyens à ma disposition ; permettez-moi d’en faire usage. »

En parlant ainsi, le roi présenta à Comines un gros sac d’argent ; mais, plus délicat dans ses sentiments que la plupart des courtisans de cette époque, Comines refusa cette offre en disant à Louis qu’il était pleinement satisfait de la libéralité de son prince, et en l’assurant qu’aucun présent ne pourrait augmenter le désir qu’il avait de servir le roi de France.

« Homme extraordinaire ! s’écria le roi ; permettez-moi d’embrasser le seul courtisan de ce siècle que l’on puisse dire tout à la fois capable et incorruptible. La sagesse est plus précieuse que l’or ; et croyez-moi, Philippe, dans cet embarras, je compte plus sur votre bienveillance que sur l’assistance vénale de bien des gens qui ont reçu mes dons. Je sais que vous ne conseillerez pas à votre maître d’abuser d’une occasion que la fortune, ou, pour parler plus franchement, que ma propre sottise est venue lui offrir. — D’en abuser ! non assurément ; mais d’en user, bien certainement. — Comment, et jusqu’à quel point ? Je ne suis pas assez niais pour me flatter de sortir d’ici sans payer une rançon ; mais qu’elle soit raisonnable : je suis toujours prêt à écouter la raison, à Paris, aussi bien qu’au Plessis ou à Péronne. — Avec la permission de Votre Majesté, je vous répondrai qu’à Paris ou au Plessis la raison était habituée à parler d’un ton si humble et si bas, qu’elle ne pouvait pas toujours obtenir audience de Votre Majesté. Mais à Péronne, elle emprunte le porte-voix de la nécessité ; et son langage devient péremptoire et impératif. — Vous aimez les métaphores, » dit Louis, incapable de réprimer un mouvement d’humeur ; « je suis un homme tout simple, sire d’Argenton. Laissez là, je vous prie, vos figures de rhétorique, parlez tout uniment. Qu’est-ce que votre duc attend de moi ? — Je ne suis porteur d’aucune proposition, Sire : le duc vous fera bientôt connaître lui-même ses intentions. Cependant il se présente à ma pensée quelques demandes que mon maître pourrait faire à