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Bourgogne, fournirait à celui-ci de motifs et de prétextes pour se prévaloir de ses avantages actuels.

En proie à la plus vive anxiété, le roi fit part de ses inquiétudes au sire d’Argenton, dont la finesse et les talents politiques étaient mieux assortis à l’humeur de Louis que le caractère brusque et martial de Crèvecœur, ou que l’orgueil féodal de d’Hymbercourt.

« Ces soldats bardés de fer, mon cher Comines, » dit-il à son futur historien, « ne devraient jamais entrer dans le cabinet d’un roi ; ils devraient rester dans l’antichambre avec les hallebardes et les pertuisanes. Leurs mains sont faites pour nous servir ; mais le monarque qui veut donner à leurs têtes une autre occupation que celle de servir d’enclume aux épées et aux massues de ses ennemis, agit comme ce fou qui voulait mettre au cou de sa maîtresse un collier de chien. C’est à des hommes tels que toi, Philippe, à des hommes dont les yeux sont doués de cette vivacité et de cette pénétration qui voient au delà de la surface des choses, qu’un prince devrait ouvrir son cabinet, que dis-je ! les plus secrets replis de son cœur. »

Il était naturel que d’Argenton, doué d’un esprit des plus déliés, fût flatté de l’approbation du prince de l’Europe qui passait pour avoir le plus de sagacité, et il ne put tellement déguiser l’impression que cet éloge avait produite sur lui, que Louis ne s’en aperçût.

« Plût à Dieu, continua le roi, que je fusse digne d’avoir un tel conseiller ! je ne me trouverais pas dans une situation aussi malheureuse. Et cependant je regretterais à peine de m’y trouver, si je pouvais découvrir les moyens de m’assurer les services d’un homme d’état aussi expérimenté. »

D’Argenton répondit que toutes ses facultés étaient au service de Sa Majesté très chrétienne, toujours sous la réserve de la fidélité qu’il devait à son maître légitime, le duc Charles de Bourgogne.

« Et suis-je homme à faire la moindre tentative pour ébranler cette fidélité ? s’écria Louis d’un ton pathétique. « Hélas ! ne suis-je pas maintenant en péril pour avoir mis trop de confiance en mon vassal ? Et à qui la loyauté féodale peut-elle être plus sacrée qu’à moi dont le salut dépend d’un appel à cette loyauté ?… Non, Philippe de Comines, continuez à servir Charles de Bourgogne ; et vous ne pouvez mieux le faire qu’en ménageant un heureux accommodement entre votre prince et Louis de France. Ce sera