Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/397

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à ton tour à ma parole : conviens-en, n’es-tu pas comme le passager insensé qui entre en fureur contre son pilote parce qu’il ne peut faire entrer son vaisseau dans le port sans avoir quelquefois à lutter contre la force contraire des vents et des courants ?… J’ai pu, à la vérité, annoncer que, d’après toutes les probabilités, l’issue de ton entreprise serait heureuse ; mais il n’était qu’au pouvoir du ciel de te conduire au but ; et si le sentier dans lequel tu marches est épineux et environné de dangers, dépend-il de moi de l’aplanir et de le rendre plus sûr ? Qu’est devenue cette sagesse que tu montrais hier, et qui te faisait reconnaître avec tant de discernement que les voies du destin sont souvent disposées pour notre plus grand avantage, quoiqu’elles soient en opposition avec nos désirs ? — Je m’en souviens, et tu me rappelles une de tes fausses prédictions. Tu m’as prédit que ce jeune Écossais remplirait sa mission d’une manière heureuse pour ma gloire et mon intérêt. Tu sais maintenant comment elle s’est terminée. Je ne pouvais recevoir un coup plus accablant, plus terrible que l’issue de cette affaire, vu l’impression que, sans aucun doute, elle va produire sur la cervelle de ce taureau furieux de Bourgogne. La fausseté de cette prédiction est évidente ; tu ne peux trouver ici aucun subterfuge ; tu ne peux me répondre que la marée prochaine remettra ma barque à flot, et me conseiller de m’asseoir sur la plage pour attendre, comme un véritable idiot, que les eaux se soient retirées. Cette fois ton art a failli ; tu as été assez fou pour me faire une prédiction spéciale, et elle s’est trouvée positivement fausse. — Le temps en prouvera la justesse et la vérité, » répondit l’astrologue avec hardiesse. « Je ne demande pas de plus grand triomphe de l’art sur l’ignorance que l’accomplissement de cette prédiction. Je t’ai dit que ce jeune homme remplirait fidèlement toute mission honorable ; ne l’a-t-il pas fait ? Je t’ai dit qu’il se ferait un scrupule de tremper dans toute mauvaise action ; cela ne s’est-il pas vérifié ? Si vous en doutez, interrogez le Bohémien Hayraddin Maugrabin. » À ces paroles, le roi rougit de honte et de colère. « Je t’ai dit, continua l’astrologue, que la conjonction des planètes sous laquelle il se mettait en chemin menaçait sa personne de danger ; n’en a-t-il pas couru ? Je t’ai prédit encore que la conjonction sur laquelle vous appeliez mes regards promettait le succès à celui qui faisait partir l’expédition ; vous ne tarderez pas à en avoir la preuve et à en recueillir le fruit. — À en recueillir le fruit ! s’écria le roi ; ne l’ai-je pas déjà re-