Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/373

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vecœur, accourant aussi, s’écria d’une voix claire et sonore : « Monseigneur de Bourgogne, considérez ce que vous allez faire ! Vous êtes dans votre palais ; vous êtes le vassal du roi ! Ne répandez pas le sang de votre hôte dans votre demeure, le sang de votre souverain assis sur le trône que vous avez élevé pour lui, et où il s’est placé sous votre sauvegarde. Par égard pour l’honneur de votre maison, ne cherchez pas à venger un horrible assassinat par un assassinat non moins horrible. — Retire-toi, Crèvecœur, s’écria le duc, et laisse-moi assouvir ma vengeance. Retire-toi ; la colère des princes est aussi redoutable que celle du ciel. — Oui, » répondit Crèvecœur avec fermeté ; mais seulement lorsqu’elle est juste comme celle du ciel. Permettez-moi, mon prince, d’arrêter la violence de votre caractère, quelque justement offensé que vous soyez. Et vous, nobles de France, lorsque toute résistance est vaine, trouvez bon que je vous recommande d’éviter ce qui pourrait amener l’effusion du sang. — Il a raison, » dit Louis, que son sang-froid n’abandonna pas dans cet instant terrible, et qui prévoyait que si les voies de fait commençaient, on se porterait à plus de violence dans la chaleur du moment qu’au milieu du calme, si la paix pouvait être maintenue. « Il a raison… Mon cousin d’Orléans, mon brave Dunois, mon fidèle Crawford, n’amenez pas des malheurs et une effusion de sang par une colère irréfléchie. Notre cousin le duc est irrité de la mort d’un ami cher à son cœur, du vénérable évêque de Liège, dont nous déplorons le meurtre autant qu’il le déplore lui-même : d’anciens et, malheureusement, de nouveaux sujets de discussion le portent à nous soupçonner d’avoir trempé en quelque façon dans un crime que nous abhorrons. Si notre hôte voulait se souiller d’un crime semblable en nous assassinant ici, nous son roi et son parent, sous la fausse supposition que nous aurions contribué à la mort déplorable de l’évêque de Liège, votre résistance ne pourrait guère alléger notre destin ; au contraire, elle ne pourrait que l’aggraver. Ainsi donc, Crawford, retirez-vous. Dussent ces paroles être les dernières que je prononce, je parle comme un roi à son officier, et j’exige obéissance. Retirez-vous ; et si on le requiert, rendez votre épée ; je vous l’ordonne : votre serment vous oblige à m’obéir. — C’est la vérité, Sire, » répondit Crawford en reculant, et en replongeant son épée dans le fourreau, d’où il l’avait tirée à moitié ; « oui, c’est la vérité ; mais, sur mon honneur, si j’étais à la tête de soixante-dix de mes braves compagnons,