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jusque dans l’antre du lion, il a voulu encore lui mettre sa tête dans la gueule ; il n’a fallu qu’une ratière pour prendre le vieux renard politique. — D’Hymbercourt, dit d’Argenton, ne vous a pas rapporté le mot plaisant du Glorieux ; à mon avis, c’est ce qu’on a dit jusqu’à présent de plus sensé et de plus juste à ce sujet. — Et qu’a dit sa très-illustre sagesse ? demanda le comte. — Comme le duc, reprit d’Argenton, ordonnait à la hâte qu’on offrît en présent au roi quelques pièces d’argenterie, comme témoignage du plaisir que lui causait son arrivée, « Ne trouble pas ton petit cerveau pour cela, mon ami Charles, dit le Glorieux, je ferai à ton cousin Louis un présent plus noble et plus convenable que celui que tu veux lui offrir ; ce sera mon bonnet de fou, mes grelots, et ma marotte par-dessus le marché, car, par la sainte messe ! il est plus fou que moi, de venir ainsi se mettre en ton pouvoir. — Mais si je ne lui donne aucun motif de s’en repentir, qu’en diras-tu ? coquin, lui répondit le duc. — En ce cas, Charles, ce sera à toi que je donnerai mon bonnet et ma marotte, car tu seras évidemment le plus fou de nous trois. » Je vous réponds que ce trait fit impression sur le duc, car je l’ai vu changer de couleur et se mordre les lèvres. Voilà nos nouvelles, noble Crèvecœur ; à quoi pensez-vous qu’elles ressemblent ? — À une mine chargée de poudre, répondit le comte, et je crains que le destin ne m’ait choisi pour y mettre la mèche. Vos nouvelles et les miennes sont comme le feu et les étoupes, ou comme certaines substances chimiques que l’on ne peut mêler ensemble sans qu’il en résulte une explosion. Mes nobles amis, approchez-vous de moi ; et lorsque je vous aurai dit ce qui est arrivé dans l’évêché de Liège, je crois que vous serez d’avis que le roi Louis aurait aussi bien fait d’entreprendre un pèlerinage aux régions infernales qu’une visite à Péronne dans un moment aussi scabreux. »

Les deux seigneurs se rapprochèrent du comte et écoutèrent, avec un étonnement et un intérêt qui leur arrachèrent souvent des mouvements et des exclamations d’horreur, le récit des événements qui venaient de se passer à Liège et à Schonwaldt. Quentin fut alors appelé et interrogé de nouveau et à plusieurs reprises sur toutes les particularités de la mort de l’évêque, si bien qu’enfin, fatigué de toutes ces questions, il refusa d’y répondre davantage, ne sachant dans quel but on les lui adressait, ni quel usage on pourrait faire de ses aveux.

Ils étaient alors sur les rives fertiles de la Somme, et ils décou-