Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/338

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de marcher de chaque côté du jeune écuyer, afin de le garantir d’une chute dont il était à tout moment menacé.

Lorsqu’ils arrivèrent à Landrecies, le comte, touché de compassion pour Quentin, et réfléchissant qu’il avait passé trois nuits presque sans dormir, accorda une halte de quatre heures pour donner à lui-même et à sa suite le temps de se rafraîchir et de se reposer.

Quentin était plongé dans un profond sommeil lorsqu’il en fut tiré par le son de la trompette du comte et par les cris de ses fourriers et de ses maréchaux de logis : « Debout ! debout ! Allons, messire, en route ! » Quelque désagréable que fût ce réveil matinal, Durward se sentit, sous le rapport de la force et du courage, un être tout différent de ce qu’il était quelques heures auparavant. Sa confiance en lui-même et en sa fortune lui revint avec la vigueur de ses esprits, qu’augmentait l’éclat du soleil levant. Il ne pensait plus à son amour que comme à un songe chimérique et sans espoir ; il le considérait comme un heureux principe de vigueur pour son âme, dans laquelle il devait le nourrir, quoique les nombreux obstacles qui l’entouraient ne lui permissent pas d’espérer le voir un jour couronné de succès. « Le pilote, pensa-t-il, dirige sa barque par l’étoile polaire, quoiqu’il ne puisse espérer d’en devenir jamais possesseur : de même le souvenir d’Isabelle de Croye fera de moi un digne homme d’armes, quoique peut-être je sois destiné à ne la revoir jamais. Lorsqu’elle entendra dire qu’un soldat écossais nommé Quentin Durward s’est distingué sur le champ de bataille ou a laissé son corps sur la brèche, elle se souviendra de son compagnon de voyage comme d’un homme qui fit tout ce qui était en son pouvoir pour la préserver des pièges et des malheurs dont elle était environnée, et peut-être alors honorera-t-elle sa mémoire d’une larme, et son tombeau d’une guirlande. »

Déterminé à supporter son malheur avec cette mâle fermeté, Quentin se sentit plus disposé à supporter avec résignation les railleries du comte de Crèvecœur, qui ne manqua pas de lui en adresser plusieurs sur sa délicatesse et sur son manque de vigueur, qui l’empêchaient de résister à la fatigue. Le jeune Écossais se prêta de si bonne grâce à son persiflage, et y répliqua d’une manière si heureuse et en même temps si conforme aux convenances et au respect dû à un supérieur, que ce changement de ton et de langage produisit évidemment sur le comte une impression beaucoup plus favorable que celle qu’avait faite sur lui la