Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/333

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fait qu’accroître son désir de l’appeler au combat) ; mais il était retenu par la crainte du ridicule, celle de toutes les armes que redoutent le plus les enthousiastes de tout genre, celle qui, par son influence sur leur esprit, réprime quelquefois des idées absurdes, quoique souvent aussi elle étouffe de nobles inspirations.

Influencé par la crainte de devenir un objet de raillerie plutôt que de ressentiment, Durward se borna donc, quoiqu’avec répugnance, à dire d’une manière assez confuse, que la comtesse Hameline était parvenue à s’échapper du château de Schonwaldt peu d’instants avant l’assaut. À la vérité, il ne pouvait entrer à ce sujet dans de bien longs détails, sans jeter du ridicule sur la proche parente d’Isabelle, et sans s’y exposer un peu lui-même, comme ayant été l’objet des espérances matrimoniales de la tendre et romanesque dame. Il ajouta à cette narration, tant soit peu obscure et embrouillée, qu’il avait entendu dire, d’une manière vague cependant, que la comtesse Hameline était tombée de nouveau entre les mains de Guillaume de la Marck. « Puisse saint Lambert lui inspirer l’idée de l’épouser ! dit Crèvecœur ; il est même assez probable qu’il le fera par amour pour ses sacs d’argent, et qu’il l’assommera aussitôt qu’ils seront en sa possession, ou, plus tard, lorsqu’il les aura vidés. »

Le comte fit alors tant de questions à Quentin sur la manière dont les dames s’étaient conduites pendant le voyage, sur le degré d’intimité qu’elles lui avaient accordé, et sur mille autres choses fort délicates, que le jeune homme, contrarié, confus et irrité, eut peine à cacher son embarras aux regards scrutateurs du vieux soldat courtisan qui, changeant tout à coup de manières, s’éloigna de lui en s’écriant : « Oui-da ! je vois que les choses en sont où je l’avais présumé, d’un côté du moins ; j’espère que de l’autre on me montrera plus de bons sens et de retenue. Allons, sire écuyer, un coup d’éperon, marchez à l’avant-garde, tandis que je causerai avec la comtesse Isabelle. Je pense que vous m’en avez assez appris pour que je puisse maintenant lui parler de toutes ces tristes aventures sans trop blesser sa délicatesse, bien que j’aie pu froisser un peu la vôtre. Mais un moment, jeune homme, un mot encore avant de vous éloigner. Vous avez fait, à ce que je vois, un heureux voyage dans le pays des féeries, voyage tout rempli d’aventures héroïques, de brillantes espérances et d’extravagantes chimères, telles que l’on en rencontre dans les jardins de la fée Morgane. Mais, jeune soldat, » ajouta-t-il en