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reuse recommandation que par ces mots Nein ! nein ! das geht nicht[1] ; et il continua à les suivre, tous trois se dirigeant vers le bois avec autant de vitesse qu’en pouvaient déployer leurs chevaux épuisés de fatigue. Les schwarz-reiters de leur côté, en les voyant fuir, redoublèrent d’efforts pour les atteindre. Mais, malgré la fatigue de leurs chevaux, les fugitifs n’étant point armés, et leur poids étant conséquemment moins lourd, ils gagnaient du terrain sur ceux qui les poursuivaient : ils étaient à environ un quart de mille du bois, lorsqu’ils en virent sortir une compagnie d’hommes d’armes marchant sous la bannière d’un chevalier : cette troupe vint leur barrer le chemin.

« À ces brillantes armures, dit Isabelle, je crois reconnaître des Bourguignons. Mais, quels qu’ils soient, il vaut mieux nous rendre à eux qu’aux brigands qui sont à notre poursuite. »

Un instant après, regardant la bannière, elle s’écria, « Au cœur fendu qu’elle porte, je reconnais cette bannière ! c’est celle de Crèvecœur, d’un noble Bourguignon, je me rendrai à lui. »

Durward soupira ; mais que pouvait-il faire ? combien il se serait trouvé heureux, un instant auparavant, s’il eût pu assurer le salut d’Isabelle, même à des conditions moins favorables. Ils joignirent bientôt la troupe de Crèvecœur, qui avait fait halte pour reconnaître les schwarz-reiters, et la comtesse demanda à parler au commandant. Voyant que le comte la regardait d’un air de doute et d’incertitude, elle lui parla en ces termes : « Noble comte, Isabelle de Croye, la fille de votre ancien frère d’armes, la fille du comte Reinold de Croye, se déclare votre prisonnière, et implore votre protection pour elle et pour les personnes qui l’accompagnent. — Tu l’auras, belle cousine, même contre une armée entière, toujours sauf et excepté monseigneur le duc de Bourgogne ; mais nous n’avons pas le temps de parler de cette affaire : les infâmes coquins ont fait halte comme s’ils prétendaient disputer le terrain. Par Saint-George de Bourgogne ! ils ont l’insolence de s’avancer contre la bannière de Crèvecœur ! Ces brigands ne seront-ils donc jamais réprimés ? Damien, ma lance ! En avant, ma bannière ! Les lances en arrêt ! Crèvecœur à la rescousse !

Poussant ce cri de guerre, et suivi de ses hommes d’armes, il partit au grand galop pour charger les schwarz-reiters.

  1. Non, non, cela ne va pas. a. m.