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jeune homme vigoureux, monté sur un bon cheval gris : il se fit connaître pour Hans Glover, le galant de Trudchen Pavillon. C’était un bon Flamand, d’une intelligence peu brillante, dont l’esprit ne répondait pas à son enjouement et à la bonté de son cœur, et, comme la comtesse ne put s’empêcher de le penser, peu digne d’être aimé de la généreuse Trudchen. Il parut cependant désirer seconder de tout son pouvoir les intentions de sa belle ; car, après les avoir salués respectueusement, il demanda en flamand à la comtesse quelle route elle désirait prendre.

— « Guidez-moi, lui répondit-elle, vers la ville la plus voisine, sur les frontières du Brabant. — Vous avez donc fixé le but et l’objet de votre voyage ? » dit Quentin en faisant approcher son cheval de celui d’Isabelle, et lui parlant français, en langue que leur guide ne pouvait comprendre. — « Oui, répliqua la jeune dame ; car dans la situation où je me trouve et dans les circonstances qui m’environnent, je me ferais le plus grand tort en prolongeant mon voyage ; dût-il avoir pour terme une prison, je dois l’abréger autant que possible. — Une prison ? s’écria Quentin. — Oui, mon ami, une prison ; mais je ferai en sorte que vous ne la partagiez pas. — Ne parlez pas de moi ! ne vous occupez pas de moi ! que je vous voie en sûreté, et je me soucie fort peu de ce qui me concerne. — Parlez plus bas, dit Isabelle ; vous étonnerez notre guide : vous voyez qu’il nous a déjà dépassés. » En effet, le bon Flamand, désirant agir avec eux comme il aurait voulu qu’on agît envers lui, avait pris l’avance lorsque Quentin s’était rapproché de la comtesse, pour leur épargner la contrainte où jette ordinairement un tiers. « Oui, » poursuivit-elle quand elle vit que leur guide ne pouvait les entendre ; « oui, mon ami, mon protecteur (car pourquoi rougirais-je de vous donner le nom de ce que le ciel vous a rendu pour moi ?) je dois vous dire que j’ai résolu de retourner aux lieux qui m’ont vue naître, et de m’en remettre à la générosité du duc de Bourgogne. Ce fut un mauvais conseil, quoique donné avec de bonnes intentions, qui me porta à rejeter sa protection pour recourir à celle du politique et astucieux Louis de France. — Et vous êtes donc déterminée à vous unir au comte de Campo-Basso, à ce méprisable favori de Charles ? »

Ainsi parlait Quentin d’une voix agitée par les sentiments secrets qui assiégeaient son cœur, et par son désir d’affecter un ton d’indifférence : tel un malheureux condamné à mort s’arme d’une