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cédente, « si je n’avais pas eu tant de courage dans le cœur, je ne me serais pas opposé à ce que les bourgeois de Liège payassent le vingtième, quand il n’y en avait pas un seul qui n’y consentît… C’est encore le même courage, et il n’en fallait pas moins, qui m’a conduit à cette bataille de Saint-Tron, où un soldat du Hainaut me précipita d’un coup de lance dans un fossé plein de boue, dont ni ma bravoure ni mes efforts ne purent me tirer qu’à la fin de l’action… Oui, c’est encore mon courage qui m’a porté à m’affubler de ce corselet dans lequel j’aurais étouffé sans le secours de ce jeune gentilhomme dont le métier est de se battre, ce à quoi je lui souhaite beaucoup de plaisir… Et ma bonté de cœur, Peter, elle est cause que je suis pauvre, c’est-à-dire que j’aurais été pauvre si je n’avais possédé assez de fortune pour faire mon chemin dans ce monde pervers… Et Dieu sait quels tourments me susciteront encore peut-être des dames, des comtesses, des secrets à garder ! Sans me présenter aucune chance de profit, tout cela peut me coûter la moitié de mes biens, et ma tête par-dessus le marché. »

Quentin ne put garder plus long-temps le silence, et il assura le digne bourgmestre que quelques dangers qu’il courût, ou quelque perte qu’il éprouvât par rapport à la jeune dame qui était sous sa protection, elle s’en montrerait reconnaissante et le récompenserait avec toute la libéralité possible.

— « Je vous remercie, monsieur l’archer, je vous remercie, » répondit le syndic de Liège ; « mais qui vous a dit que je désire être payé lorsque je remplis le devoir d’un galant homme ? Je suis fâché seulement qu’il puisse m’en coûter quelque chose, soit d’une manière, soit d’une autre ; et je pense qu’il m’est permis de parler de la sorte à mon lieutenant, sans que personne en conclue que je me plains des pertes et des dangers auxquels je reste exposé. »

Quentin conclut de ces paroles que son nouvel ami était de la nombreuse classe des bienfaiteurs qui se récompensent en grondant, sans autre motif que de faire valoir la peine qu’ils se sont donnée, afin d’augmenter l’importance de leurs bons offices. Il garda donc un silence prudent, et ne s’opposa pas à ce que le syndic étalât à son lieutenant les dangers et les pertes auxquels il avait été exposé, tant par son zèle pour le bien public que par sa bienfaisance désintéressée envers ses semblables : sujet dont il ne trouva le terme qu’en arrivant à la porte de sa maison.

La vérité est que l’honnête citoyen sentait qu’il avait laissé por-