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tant les soldats de de la Marck, il s’élança sur Carl Eberon, le fils du Sanglier des Ardennes, s’en rendit aisément maître ; et, lui appuyant la pointe de son poignard sur la gorge, il s’écria : « Est-ce donc là votre jeu ? hé bien ! je me mets de la partie. — Arrêtez ! s’écria de la Marck ; ce n’est qu’un jeu, une plaisanterie ! Croyez-vous que j’aie la pensée de menacer la vie de mes bons amis, de mes chers alliés de la ville de Liège ? Soldats, lâchez prise, et asseyez-vous ! Allons ! qu’on emporte cette charogne qui a été la cause de cette querelle entre amis, » poursuivit-il en poussant du pied le cadavre de l’évêque, « et faisons-en disparaître le souvenir en vidant de nouveau nos verres. »

Chacun obéit, et tous, soldats et Liégeois, se regardèrent les uns les autres, sachant à peine s’ils étaient amis ou ennemis. Quentin Durward saisit ce moment et s’écria :

— « Guillaume de la Marck, et vous, bourgeois et citoyens de Liège, faites silence ; quant à vous, jeune homme, ne bougez pas (car le jeune Carl essayait de lui échapper) : vous ne courez aucun risque, à moins que ces jeux piquants ne se renouvellent. — Qui es-tu, au nom du diable ! » dit de la Marck frappé d’étonnement, « qui es-tu, toi qui viens m’imposer des conditions et me prendre des otages… À moi qui en impose aux autres, et qui n’en donne à personne ? — Je suis un serviteur de Louis, roi de France, » répondit hardiment Quentin, « un archer de sa garde écossaise, comme mon langage et mon costume doivent vous le faire reconnaître. Je suis ici pour observer votre conduite et lui en rendre compte ; et je suis étonné de voir qu’elle est celle d’un païen plutôt que d’un chrétien, d’un fou plutôt que d’un homme sensé. Les troupes de Charles de Bourgogne vont marcher dans peu contre vous, et si vous voulez que la France vous envoie du secours, il faut que vous en agissiez autrement. Quant à vous, habitants de Liège, retournez sur-le-champ dans votre ville ; et si quelqu’un vient mettre obstacle à votre départ, je le déclare ennemi de mon maître le roi de France, Sa Majesté très-chrétienne. — France et Liège ! » crièrent les gens qui escortaient Pavillon, et plusieurs autres bourgeois dont le langage de Quentin commençait à relever le courage ; « France et Liège ! vive le brave archer ! nous vivrons et nous mourrons avec lui ! »

L’œil de Guillaume de la Marck brilla d’un sinistre éclat ; il saisit son poignard comme pour le plonger dans le cœur de l’audacieux orateur ; mais jetant un coup d’œil autour de lui, il vit dans