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usurpé, rends la liberté à tes prisonniers, restitue le produit de tes rapines ; distribue tes biens entre ceux que tu as faits orphelins, entre celles que tu as rendues veuves ; jette des cendres sur ta tête, revêts-toi d’un sac, et, un bâton en main, va à Rome en pèlerinage ; nous implorerons nous-même pour ta vie la miséricorde de la chambre impériale de Ratisbonne, et pour ton âme pécheresse celle de notre saint père le pape. »

Tandis que Louis de Bourbon proposait ces conditions d’un air aussi résolu que s’il eût été assis sur son trône épiscopal et que l’usurpateur eût été agenouillé en suppliant à ses pieds, le tyran se redressait lentement sur son siège. La surprise, qui d’abord s’était emparée de son esprit, cédait peu à peu à la rage. Enfin, lorsque l’évêque eut cessé de parler, il regarda Nikkel Blok, et, sans prononcer un mot, il leva un doigt. Le bourreau frappa comme s’il eût rempli son office habituel dans sa tuerie, et l’évêque tomba, au pied de son trône sans laisser échapper un gémissement.

Les Liégeois, qui n’étaient point préparés à une si horrible catastrophe, et qui espéraient que cette conférence se terminerait par un accommodement, se levèrent spontanément, jetant des cris d’horreur et de vengeance. Mais Guillaume de la Marck, agitant sa main fermée et son bras étendu, s’écria d’une voix terrible qui se fit entendre au-dessus du tumulte : « Eh quoi ! vils pourceaux de Liège ! vous qui vous vautrez dans la bourbe de la Meuse, vous oseriez lutter contre le Sanglier des Ardennes ? Allons, mes marcassins (expression dont lui-même et beaucoup d’autres se servaient pour désigner ses soldats) ! montrez vos défenses à ces porcs flamands. »

Tous les siens furent debout au même instant, et comme ils étaient mêlés avec leurs ci-devant alliés, qui ne s’attendaient guère à une telle surprise, chacun d’eux saisit son voisin au collet, tandis que de la main droite il brandissait sur sa tête un large coutelas sur lequel se réfléchissait la lueur des lampes et de la lune. Tous les bras étaient levés, mais personne ne frappait, car les Liégeois étaient trop surpris pour opposer quelque résistance, et il est même probable que de la Marck n’avait que l’intention d’effrayer ses confédérés.

Mais, grâce au courage de Quentin Durward, dont la présence d’esprit et la résolution étaient au-dessus de son âge, et qui était stimulé en ce moment par tout ce qui était le plus capable d’augmenter son énergie naturelle, la scène changea tout à coup. Imi-