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toutes celles de la ville lui répondaient, et leurs voix lointaines et bruyantes semblaient crier : « Gloire aux vainqueurs ! » Il eût été naturel que meinheer Pavillon sortît alors de son fort ; mais, soit pour ne pas perdre de vue ceux qu’il avait pris sous sa protection, soit pour sa propre sûreté, il se contenta de dépêcher messager sur messager à son lieutenant Peterkin Geislaer, pour lui donner ordre de se rendre auprès de lui.

Enfin, à sa grande joie, il vit arriver Peterkin ; car, dans toutes les circonstances urgentes, soit qu’il s’agît de guerre, de politique ou de commerce, c’était en Peterkin que meinheer Pavillon avait coutume de mettre toute sa confiance. Peterkin était un homme vigoureux et trapu, à visage large, à sourcils noirs et épais qui n’annonçaient pas un caractère des plus accommodants, et dont l’attitude ordinaire inspirait un certain respect. Il portait un justaucorps de buffle, un large ceinturon soutenait son coutelas, et sa main était armée d’une hallebarde.

« Peterkin, mon cher lieutenant, lui dit son chef, voici un jour glorieux… une nuit glorieuse, devrais-je dire ; j’espère que pour cette fois tu es satisfait ? — Je suis charmé que vous le soyez, répondit le lieutenant ; et pourtant, si vous appelez cela une victoire, je n’aurais jamais cru que vous la célébriez, en vous trouvant dans un grenier quand on vous attend au conseil. — Mais est-il donc si nécessaire que je m’y rende ? — Oui, oui, bien certainement, pour soutenir les droits de la ville de Liège, qui sont plus en danger que jamais. — Mon bon Peterkin, tu seras donc toujours grondeur ? — Grondeur ! je ne le suis aucunement ; ce qui plaît aux autres me plaira toujours. Seulement, je désire que nous n’ayons pas pour roi une cigogne au lieu d’un soliveau, comme il est dit dans la fable que le clerc de Saint-Lambert a coutume de nous lire et qui est tirée du livre de meister Ésope[1] — Je ne puis deviner ce que vous entendez par là, Peterkin. — Eh bien donc, je vous dirai, meister Pavillon, que ce sanglier, cet ours, s’apprête à faire son repaire de Schonwaldt ; et il est probable que nous aurons un aussi mauvais voisin que le vieil évêque, et peut-être plus mauvais encore. Il semble très-disposé à garder pour lui seul notre conquête, et n’éprouver d’embarras qu’à l’égard du titre qu’il doit prendre : sera-ce celui de prince, ou celui d’évêque ? C’est une honte de voir comme ils en agissent avec le vieux prélat, qui est tombé entre leurs mains. — Je ne le souffrirai pas, Peterkin ! »

  1. Maître Ésope.