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une résolution que l’honneur et la prudence ne pouvaient qu’approuver. Il s’était mis au lit, l’imagination remplie de toutes ces idées couleur de rose qui entourent la couche d’un jeune homme qui aime tendrement et qui croit son amour payé d’un retour sincère. Mais ses rêves, qui se ressentirent d’abord des espérances enchanteresses au milieu desquelles il s’endormit, finirent peu à peu par prendre une couleur sombre.

Il lui sembla qu’il se promenait avec la comtesse Isabelle au bord d’un lac paisible, tel que ceux qui embellissent les sites pittoresques de son pays natal, et qu’il lui parlait de son amour sans songer aux obstacles qui s’élevaient entre eux. Isabelle rougissait et souriait en l’écoutant, comme il pouvait l’espérer d’après le contenu de la lettre que, soit qu’il fût endormi ou éveillé, il portait constamment sur son cœur. Mais la scène changea subitement ; il crut passer de l’hiver à l’été, du calme à la tempête ; les vents mugirent et les vagues s’élevèrent avec un bruit affreux, comme si les démons de l’air et de l’onde se fussent réciproquement disputé l’empire de leurs demeures. S’enflant à vue d’œil, les eaux menaçaient d’envahir la retraite des deux amants, tandis que l’aquilon déchaîné, les repoussant avec une violence toujours croissante, semblait vouloir chasser les flots de leur lit. Enfin l’anxiété douloureuse que devait produire un danger si imminent éveilla le dormeur.

Il ouvrit les yeux, mais quoique les circonstances de son rêve eussent disparu, le bruit qui l’avait probablement occasionné continuait à retentir à son oreille. Son premier mouvement fut de se mettre sur son séant et d’écouter avec une inquiète attention des sons qui, s’ils n’étaient pas ceux d’une tempête, l’emportaient sur les plus épouvantables ouragans qui fussent jamais descendus des monts Grampiens. Au bout de quelques minutes, il ne put douter que ce tumulte ne fût causé non par la fureur des éléments, mais par celle des hommes.

Quentin s’élance hors de son lit et se met à la fenêtre de son appartement. Elle donnait sur le jardin ; tout était tranquille de ce côté, mais le bruit devenait à chaque instant plus sensible, et il se convainquit, d’après les cris qui venaient frapper son oreille, que le château était attaqué à l’extérieur par des ennemis nombreux et déterminés. Il prit à la hâte ses habits et ses armes, et tandis qu’il s’en revêtait avec autant de promptitude que le lui permettaient l’obscurité et la surprise, quelqu’un frappa