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pouvez les comprendre. — Donnez-moi donc un échantillon de votre savoir, » dit Quentin ; et ôtant son gantelet, il lui présenta sa main.

Hayraddin examina avec une grande attention les lignes qui la traversaient en tous sens, ainsi que les petites protubérances ou élévations qui se trouvent à la naissance des doigts, et qu’à cette époque on croyait avoir avec les habitudes et la fortune des individus les mêmes rapports qu’aujourd’hui on trouve dans les organes du cerveau.

« Voici une main, dit-il ensuite, qui parle de travaux soufferts et de périls encourus. J’y lis qu’elle a fait de bonne heure connaissance avec la poignée de l’épée ; et cependant il s’y trouve aussi quelque signe qui indique qu’elle n’a pas toujours été étrangère aux agrafes du missel. — Ce qui est de ma vie passée, vous avez pu l’apprendre ailleurs ; dites-moi quelque chose de l’avenir. — Cette ligne qui part du mont de Vénus, et qui, n’étant point interrompue brusquement, suit et accompagne la ligne de vie, annonce clairement qu’un mariage vous procurera une fortune immense, et qu’un amour heureux vous élèvera au rang des puissants et des riches. — Vous en annoncez autant à quiconque vous interroge ; c’est là un des secrets de votre art. — Ce que je vous prédis est certain, aussi certain qu’avant peu vous serez exposé à un très-grand péril ; c’est ce que prouve cette ligne transparente, couleur de sang, qui coupe transversalement la ligne de vie : elle annonce un coup d’épée ou quelque autre violence à laquelle vous serez soustrait par l’attachement d’un ami dévoué. — Par le tien, veux-tu dire ? » s’écria Quentin indigné que le chiromancien essayât ainsi d’abuser de sa crédulité, et de se faire une réputation en lui prédisant les conséquences de sa propre trahison. — « Mon art ne m’apprend rien de ce qui a rapport à moi, répliqua le Zingaro. — Les sorciers de mon pays, reprit Quentin, possèdent donc une science supérieure à votre savoir tant vanté ; car elle leur révèle les dangers dont ils sont menacés. Je n’ai pas quitté mes montagnes sans avoir reçu quelque petite portion du don de seconde vue dont leurs habitants sont doués, et je t’en fournirai la preuve, en échange de ton échantillon de chiromancie. Hayraddin, le danger qui me menace est sur la rive droite de la Meuse ; je l’éviterai en suivant la rive gauche pour me rendre à Liège. »

Le guide entendit ces paroles avec une apathie que, dans les circonstances où il se trouvait, Quentin ne pouvait comprendre.