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Cette résolution généreuse lui donna un maintien assuré et un air de dignité que les dames de Croye n’avaient pas encore remarqué en lui, quoiqu’elles eussent déjà remarqué avec un vif plaisir la grâce naïve qui régnait dans ses actions, dans ses discours, ainsi que l’heureux mélange de finesse naturelle et de simplicité qu’il devait à une éducation reçue dans le cloître et dans un pays presque inconnu. Il leur fit observer qu’il serait nécessaire qu’elles se missent en route ce jour-là plus tôt qu’à l’ordinaire ; et, conformément à cet avis, on quitta le couvent immédiatement après le repas du matin, pour lequel, aussi bien que par reconnaissance pour l’hospitalité qu’on leur avait accordée, les dames firent à l’autel une donation plus convenable à leur rang qu’à leur apparence. Cette libéralité n’excita pourtant aucun soupçon, car on les prenait pour des Anglaises ; et, à cette époque aussi bien que de nos jours, ces insulaires avaient la réputation de posséder d’immenses richesses.

Le prieur leur donna sa bénédiction à l’instant où elles se préparaient à partir, et témoigna à Quentin la joie qu’il ressentait de l’absence de son guide païen : « Car, dit-il, mieux vaut trébucher en chemin que de marcher appuyé sur le bras d’un larron ou d’un brigand. »

Quentin n’était pas tout à fait de cette opinion ; quoiqu’il sût que le Bohémien était un homme très-dangereux, il croyait pouvoir se servir de lui, et en même temps renverser ses projets criminels, maintenant qu’il les connaissait. Mais son anxiété à ce sujet ne fut pas de longue durée, car la petite cavalcade était à peine à cent toises du monastère et du village, que le Maugrabin la rejoignit, monté comme de coutume sur son petit cheval vif et léger. La route passait le long du même ruisseau où Quentin l’avait surpris la nuit précédente dans un mystérieux entretien, et Hayraddin ne faisait que de les rejoindre lorsqu’ils passèrent sous ce saule qui avait permis à Durward d’être un auditeur inaperçu de ce qui s’était passé entre son guide et le lansquenet.

Les souvenirs que cet endroit rappela à Quentin le portèrent à entrer brusquement en conversation avec le Bohémien, à qui il avait à peine dit un mot jusqu’alors. « Où as-tu trouvé un gîte la nuit dernière, profane scélérat ? lui dit-il. — Votre sagesse peut l’imaginer en regardant ma souquenille, » répondit-il en indiquant du doigt son habit qui était couvert de brins de foin. « Une meule de foin est un lit très-convenable à un astrologue, et bien meil-