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du prieur, plus amusant que formidable. Le Bohémien courait çà et là dans la cour au milieu des cris de ceux qui le fustigeaient, et du bruit des coups dont une grande partie ne l’atteignait pas, parce que probablement on n’y mettait pas la rigueur prescrite par le père prieur. Par son agilité, il parvenait à esquiver la plupart des coups qui lui étaient réellement destinés, supportant avec assez de résignation et de courage le petit nombre de ceux qui l’atteignaient. Le bruit et le tumulte étaient d’autant plus grands que les gens inhabiles par les mains desquels passait Hayraddin se frappaient entre eux plus souvent qu’ils ne le frappaient lui-même. Enfin le prieur désirant mettre un terme à une scène qui devenait beaucoup plus scandaleuse qu’édifiante, ordonna qu’on ouvrît le guichet, et le Bohémien, se précipitant par cette issue avec la rapidité de l’éclair, profita du clair de lune pour fuir de toutes ses forces.

Pendant ce tumulte, un soupçon que Durward avait déjà conçu revint à son esprit avec une nouvelle force. Hayraddin, le matin même de ce jour, lui avait promis, lorsqu’ils s’arrêteraient dans quelque monastère, de se conduire avec plus de retenue et de prudence qu’il n’était dans l’habitude de le faire : cependant il avait violé sa parole, et il avait agi d’une manière plus indécente et plus révoltante que jamais. Cette conduite singulière cachait sans doute quelque dessein ; car, quels que fussent les défauts du Bohémien, il ne manquait ni de bon sens, ni d’empire sur lui-même quand il le voulait : n’était-il donc pas probable que le désir d’avoir des communications, soit avec ceux de sa horde, soit avec d’autres, dont la surveillance continuelle de Quentin l’avait tenu éloigné tout le jour, lui avait fait recourir à ce stratagème pour sortir du couvent ?

Ce soupçon ne se fut pas plus tôt emparé de l’esprit de Quentin, que, alerte comme il l’était dans tous ses mouvements, il résolut de se mettre à la poursuite du Bohémien flagellé, et d’observer le plus secrètement possible ce qu’il deviendrait. Ainsi donc, aussitôt qu’Hayraddin eut pris la fuite, Quentin se hâta d’expliquer en quelques mots au prieur la nécessité où il était de ne pas perdre de vue son guide, et se mit à courir sur ses traces.