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CHAPITRE XVI.

LE VAGABOND.


Je suis aussi libre que pouvait l’être l’homme de la nature avant que les lois dégradantes de la servitude eussent été établies, et quand le noble sauvage errait à son gré dans les forêts.
Dryden, La conquête de Grenade.


Pendant que Quentin avait avec les deux comtesses la courte conversation indispensable pour leur donner l’assurance que le personnage extraordinaire qui venait d’augmenter leur troupe était le guide qui devait leur être envoyé de la part du roi, il remarqua, car il était aussi alerte à observer les mouvements de l’étranger que celui-ci pouvait l’être à observer les siens ; il remarqua, dis-je, que cet homme, non-seulement tournait la tête en arrière autant qu’il le pouvait, pour jeter sur eux des regards de curiosité, mais qu’avec une agilité singulière, plutôt semblable à celle d’un singe qu’à celle d’un homme, il se tournait sur sa selle de manière à être assis presque de côté, afin de pouvoir les observer plus à son aise et plus attentivement.

Peu satisfait de cette manœuvre, Quentin s’avança vers le Bohémien, et lui dit en le voyant reprendre la position convenable sur son cheval :

— « Il me semble, l’ami, que vous ne nous serez guère plus utile qu’un guide aveugle : car vous regardez la queue de votre cheval plus souvent que ses oreilles. — Et quand je serais effectivement aveugle, répondit le Bohémien, je pourrais encore vous servir de guide à travers quelque province que ce soit du royaume de France ou de ceux qui l’avoisinent. — Cependant vous n’êtes pas né Français, dit Durward. — Non. — De quel pays êtes-vous donc ? — Je ne suis d’aucun pays. — Comment ! d’aucun pays ? — Non, d’aucun. Je suis un Zingaro, un Bohémien, un Égyptien, ou tout ce que les Européens, dans leurs divers langages, peuvent juger à propos d’appeler notre peuple ; mais je n’ai pas de pays. — Êtes vous chrétien ? »

Le Bohémien secoua la tête.

« — Chien, » dit Quentin, car à cette époque l’esprit du catholicisme était peu tolérant ; « adores-tu Mahomet ? — Non, » répondit