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dans les affreux cachots de Loches. — Ainsi donc c’était le duc d’Orléans ! » dit la vieille dame en se tournant vers sa nièce ; « je l’avais bien pensé, même à la distance d’où nous avons vu le combat. Vous voyez, ma chère, ce qui aurait pu arriver si ce monarque astucieux et avare nous eût permis de nous montrer à sa cour. Le premier prince du sang de France et le vaillant Dunois, dont le nom est aussi connu que celui de son illustre père ! Ce jeune homme a fait son devoir bravement et loyalement ; mais je serais tentée de regretter qu’il n’ait pas succombé avec honneur, puisque sa bravoure intempestive s’est placée entre nous et deux libérateurs aussi distingués. »

La comtesse Isabelle répliqua d’un ton ferme et qui trahissait même un certain mécontentement, en un mot avec une énergie que Quentin n’avait pas encore remarquée en elle.

— Madame, dit-elle, si je ne savais que vous voulez faire une plaisanterie, je dirais que le discours que vous tenez est une ingratitude envers notre brave défenseur, à qui nous devons peut-être plus que vous ne pensez. Si ces chevaliers avaient réussi dans leur téméraire entreprise et remporté la victoire, il n’est pas bien sûr qu’à l’arrivée des gardes du roi nous n’aurions pas partagé leur captivité. Quant à moi, je donne des larmes au brave jeune homme qui est mort en combattant pour nous, et bientôt je fonderai des messes pour le repos de son âme ; enfin j’espère, » continua-t-elle d’un ton plus timide, « que celui qui survit voudra bien recevoir l’expression de ma reconnaissance. »

Comme Quentin se tournait vers elle pour lui faire un remercîment convenable, elle aperçut des traces de sang sur l’une de ses joues, et s’écria du ton de la plus grande sensibilité : « Sainte Vierge ! il est blessé ! son sang coule ! Descendez de cheval, monsieur ; il faut panser votre blessure. »

En dépit de tout ce que Durward put dire pour persuader aux deux comtesses que sa blessure n’était que légère, il fut forcé de mettre pied à terre, de s’asseoir sur un tertre et d’ôter son casque ; et les dames de Croye, qui, suivant un usage qui n’est pas encore passé de mode, prétendaient à quelques connaissances en chirurgie, lavèrent la blessure, en étanchèrent le sang, et la bandèrent avec le mouchoir de la jeune comtesse, afin d’empêcher le contact de l’air, précaution que leur art leur prescrivait.

Dans les temps modernes, il arrive rarement, peut-être même jamais, qu’un galant reçoive une blessure pour l’amour d’une