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qu’un jeune Écossais a rompu une bonne lance. Je suis charmé qu’il se soit bien conduit. — Je ne dirai pas le contraire, répliqua Dunois ; et pourtant si Votre Seigneurie était arrivée tant soit peu plus tard, il aurait pu y avoir une place vacante dans votre compagnie d’archers. — Oui, oui, répondit lord Crawford ; je lis votre signature sur ce morion fendu. Qu’on le retire à ce garçon, et qu’on lui donne un bonnet doublé en acier, cela lui garantira la tête mieux que cette boîte brisée. Et maintenant, Dunois, j’ai à prier le duc d’Orléans et vous de monter à cheval et de me suivre, car j’ai reçu l’ordre de vous conduire dans un lieu différent de celui que je désirerais pouvoir vous assigner. — Ne puis-je dire un mot à ces belles dames, milord Crawford ? demanda le duc d’Orléans. — Pas une syllabe ; je suis trop l’ami de Votre Altesse pour permettre une pareille imprudence.

Puis s’adressant à Quentin, il ajouta :

« Vous, jeune homme, vous avez fait votre devoir ; partez, et remplissez fidèlement la mission qui vous a été confiée. — Sauf votre permission, milord, » dit Tristan avec sa brutalité ordinaire, « le jeune homme doit chercher un autre guide. Je ne puis me passer de Petit-André, quand il est probable qu’il y aura de la besogne pour lui. — Ce jeune homme, » dit Petit-André en s’avançant, « n’a qu’à suivre le sentier qui est devant lui, et qui le conduira à l’endroit où il trouvera l’homme qui doit lui servir de guide. Je ne voudrais pas pour mille ducats m’éloigner de mon chef aujourd’hui. J’ai pendu bien des chevaliers et des écuyers, de riches échevins et des bourgmestres par-dessus le marché ; des comtes et des marquis eux-mêmes ont tâté de mon savoir-faire… hum ! » Il jeta un regard sur le duc, comme pour lui donner à entendre qu’il remplirait volontiers le blanc avec ces mots : Un prince du sang ! « Ho ! oh ! Petit-André, il sera parlé de toi dans la chronique. — Souffrez-vous que vos coquins tiennent un pareil langage en présence d’un personnage si éminent que le prince ? » demanda lord Crawford en regardant Tristan d’un air sévère. — « Que ne le corrigez-vous vous-même, milord ? » répondit Tristan d’un air bourru. — « Parce qu’il n’y a ici que ta main qui puisse le frapper sans se dégrader en le frappant. — En ce cas, gouvernez vos propres gens, milord, et je répondrai des miens, » dit le grand prévôt.

Lord Crawford semblait se disposer à lui faire une violente réplique, mais, comme s’il eût mieux réfléchi, il lui tourna le dos, et