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qui lui feront du bien ou qui mettront en lui leur confiance. Toutefois… — Toutefois ? répéta le roi, père Galeotti, pourquoi vous arrêtez-vous ? — Les oreilles des rois ressemblent au palais de ces malades délicats qui ne peuvent supporter l’amertume des médicaments nécessaires à leur guérison. — Mes oreilles et mon palais ne connaissent pas de pareilles délicatesses : je ne repousse pas un bon conseil, et je sais avaler une médecine salutaire : je ne me plaindrai jamais ni de la rudesse de l’un, ni du mauvais goût de l’autre. Je n’ai pas été gâté à force de caresses et d’indulgence ; ma jeunesse s’est passée dans l’exil et dans les souffrances. Mes oreilles sont habituées à entendre toutes sortes d’avis sans en être offensées, quelque durs qu’ils soient. — Eh bien, Sire, je vous dirai donc clairement que, s’il y a dans la mission que vous projetez de donner à ce jeune homme, quelque chose qui… qui, enfin, qui puisse effaroucher une conscience timorée… il ne faut pas la lui confier… du moins jusqu’à ce que plusieurs années passées à votre service l’aient rendu aussi peu scrupuleux que les autres. — Et c’est là ce que vous hésitiez à me dire, mon bon Galeotti ? et vous craigniez de m’offenser en me parlant ainsi ? Tranquillisez-vous. Je n’ignore pas que vous sentez parfaitement que la politique des rois ne peut pas toujours marcher dans la même voie que celle de la vie privée, c’est-à-dire suivre invariablement les maximes abstraites de la religion et de la morale. Pourquoi, nous autres princes de la terre, fondons-nous des églises et des monastères, faisons-nous des pèlerinages, nous soumettons-nous à des pénitences, et remplissons-nous des actes de dévotion dont les autres hommes peuvent se dispenser, si ce n’est parce que le bien public et l’intérêt de nos royaumes nous forcent à des mesures qui blessent notre conscience comme chrétiens ? Mais le ciel est miséricordieux… l’Église a un fonds inépuisable de mérites, et l’intercession de Notre-Dame d’Embrun et des bienheureux saints est active, continuelle et toute puissante… » Il posa son chapeau sur la table, et s’agenouillant dévotement devant les images qui l’entouraient, il dit avec un air de componction : « Sancte Huberte, sancte Juliane, sancte Martine, santa Rosalia, sancti quotquot adestis, orate pro me peccatore[1] ; » puis se frappant la poitrine, il se leva, et reprit son chapeau. « Soyez assuré, mon bon père, continua-t-il, que s’il se trouve dans la mission dont il s’agit quelque

  1. Saint Hubert, saint Julien, saint Martin, sainte Rosalie, et vous tous, saints ici présents, priez pour un pauvre pécheur, qui vous implore. a. m.