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tière ; et ici, dans le court espace de deux jours, il a été sauvé d’une manière presque miraculeuse de l’eau et de la corde. Déjà même, comme je te l’ai donné à entendre il y a peu d’heures, il m’a, dans une occasion particulière, rendu un service de la plus grande importance. Je le reçois donc comme m’ayant été envoyé par saint Julien pour me servir dans les entreprises les plus compliquées, les plus dangereuses, et même les plus désespérées. »

En s’exprimant ainsi, le roi ôta son chapeau, et, comme il avait coutume de le faire lorsque l’espérance ou le remords venait agiter son esprit, après avoir choisi parmi les nombreuses petites figures de plomb qui en garnissaient le cordon celle qui représentait saint Julien, il la posa sur la table ; s’agenouillant ensuite devant cette image, il marmotta, avec l’air de la plus profonde dévotion : Sancte Juliane, adsis precibus nostris ! Ora, ora pro nobis ![1]

C’était là un de ces accès de piété superstitieuse que Louis éprouvait dans des temps et dans des lieux si peu convenables, qu’ils donnaient à un des monarques les plus remplis de sagacité qui aient jamais régné l’apparence d’un fou, ou du moins d’un homme dont l’esprit aurait été troublé par le vif remords de quelque grand forfait.

Pendant que Louis était ainsi occupé, son favori le regardait avec une expression ironique et dédaigneuse qu’il cherchait à peine à déguiser ; car une des particularités de cet homme était que dans toutes ses relations avec son maître, il mettait de côté cette affectation caressante et doucereuse, cet empressement minutieux et humble qui caractérisait sa conduite envers les autres ; et s’il lui restait alors quelque ressemblance avec le chat, c’est lorsque cet animal se tient sur ses gardes, l’œil au guet, vif et alerte, prêt à s’élancer suivant le besoin. Ce changement provenait sans doute de ce qu’Olivier savait fort bien que son maître était lui-même trop profondément hypocrite pour ne pas pénétrer l’hypocrisie des autres. « Les traits de cet Écossais, s’il m’est permis de parler, dit Olivier, ressemblent donc à ceux du jeune homme que vous avez vu en songe ? — Ressemblance parfaite, identique, » répondit le roi, qui, comme cela se voit chez la plupart des esprits superstitieux, était souvent dupe de sa propre imagination. « D’ailleurs j’ai fait tirer son horoscope par Galeotti Martivalle, et j’ai appris d’une manière certaine, par son art autant que par mes observations particulières, que, sous plusieurs rap-

  1. Saint Julien, écoutez favorablement nos prières. Priez pour nous. a. m.