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mission d’une telle importance ? — À un étranger, sois-en bien sûr ; à un homme qui n’a en France ni parents ni intérêts qui puissent contrarier l’exécution de mes desseins, et qui connaît trop peu le pays et ses factions pour soupçonner de mes projets plus que je ne veux bien lui en laisser voir. En un mot, je me propose d’employer le jeune Écossais qui vient de t’envoyer ici. »

Olivier se tut, et son air semblait exprimer du doute sur la prudence d’un tel choix. « Votre Majesté, dit-il enfin, a mis sa confiance dans ce jeune étranger beaucoup plus promptement qu’elle n’est dans l’usage de le faire. — J’ai mes raisons, répondit le roi. Tu connais ma dévotion au bienheureux saint Julien, » ajouta-t-il en faisant un signe de croix : « je lui avais récité mes oraisons l’avant-dernière nuit, et je l’avais humblement prié de vouloir bien augmenter ma maison de quelques-uns de ces étrangers qui errent dans le monde, et qui nous sont si utiles pour établir dans notre royaume une soumission sans bornes à nos volontés, promettant au bon saint, en retour, de les accueillir en son nom, de les soulager et de les protéger. — Et saint Julien vous a-t-il envoyé cette paire de longues jambes d’Écosse en réponse à vos prières ? » dit Olivier.

Quoique le barbier connût le faible de son maître, c’est-à-dire qu’il le sût doué d’une dose de superstition au moins égale à son propre manque de religion, et que rien n’était plus facile que de l’offenser sur un pareil sujet ; quoiqu’en conséquence il eût eu grand soin de faire sa question du ton le plus soumis et le plus simple, Louis sentit l’ironie qu’elle contenait, et lança sur le questionneur un regard qui exprimait le plus vif mécontentement. — Coquin, lui dit-il, c’est bien avec raison que l’on t’appelle Olivier le diable, toi qui oses ainsi te jouer et de ton maître et des bienheureux saints ! Je te dis que si tu m’étais un tant soit peu moins nécessaire, je te ferais pendre au vieux chêne qui est devant le château, pour servir d’exemple à ceux qui se raillent des choses saintes. Apprends, vil infidèle, que je n’eus pas plus tôt fermé les yeux, que le bienheureux saint Julien m’apparut, conduisant un jeune homme qu’il me présenta en me disant que son destin serait d’échapper au fer, à la corde et à l’eau ; qu’il porterait bonheur au parti qu’il embrasserait, et qu’il sortirait triomphant des aventures dans lesquelles il se trouverait engagé. Je sortis le lendemain matin, et je rencontrai ce jeune homme. Dans son pays, il a échappé au glaive, au milieu du massacre de sa famille en-