Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/189

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s’unir à la Bourgogne qu’à la France, et plus disposé à décourager les honnêtes mécontents de Gand et de Liège, qu’à leur accorder un appui suffisant pour donner continuellement de l’occupation à la valeur de Charles le Téméraire sans le forcer à sortir de ses États. Ils étaient si bien préparés pour une insurrection, les Liégeois surtout, que ces derniers à eux seuls, bien excités et bien soutenus, occuperaient mon beau cousin pendant plus d’un an… que ne feraient-ils donc pas s’ils étaient appuyés par un belliqueux comte de Croye… Non, Olivier ! ce plan donne de trop belles espérances pour que nous y renoncions sans faire quelque tentative… Ton cerveau fertile ne saurait-il te fournir aucun expédient ? »

Après un long silence, Olivier répondit :

« Si l’on pouvait faire réussir un mariage entre Isabelle de Croye et le jeune Adolphe, duc de Gueldres ? — Quoi ! « s’écria le roi d’un air d’étonnement ; « la sacrifier, une créature si aimable ! à un misérable, à un forcené qui a déposé, emprisonné et menacé plusieurs fois d’assassiner son propre père ! Non, Olivier, non ; ce serait montrer trop de cruauté, même pour vous et pour moi, qui marchons d’un pas assuré vers notre noble but, la paix et le bonheur de la France, et qui nous inquiétons si peu des moyens par lesquels nous essayons d’y parvenir. D’ailleurs, le duc est trop éloigné de nous ; il est détesté des habitants de Gand et de Liège… Non, non… je ne veux point d’Adolphe de Gueldres… Pense à quelque autre. — Mon imaginative est épuisée, Sire : je ne trouve aucun personnage qui, comme mari de la comtesse de Croye, me paraisse pouvoir répondre aux vues de Votre Majesté. Il faut qu’il associe tant de qualités diverses !… Ami de Votre Majesté… ennemi du duc de Bourgogne… assez politique pour se concilier les Gantois et les Liégeois, et assez vaillant pour défendre son petit territoire contre la puissance du duc Charles… d’une naissance illustre, car Votre Majesté insiste sur ce point… et par-dessus tout cela, d’un caractère aussi noble que vertueux. — Doucement, Olivier, doucement ! je n’ai pas fortement, c’est-à-dire si fortement appuyé sur le caractère ; mais je pense que l’époux d’Isabelle devrait être un peu moins publiquement et moins généralement abhorré qu’Adolphe de Gueldres. Par exemple, puisqu’il faut que je cherche quelqu’un moi-même, pourquoi pas Guillaume de la Marck. — Sur mon honneur, Sire, je ne puis me plaindre que vous demandiez une trop grande perfection morale dans