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nées à une chute graduelle. Ce qui lui en restait suffisait encore pour prouver qu’elle avait dû être autrefois la puissance de ses charmes ; et, se souvenant de ses triomphes passés, il était évident qu’elle n’avait pas abandonné ses prétentions à de nouvelles conquêtes. Elle était grande, remplie de grâces, quoique ayant l’air un peu hautain, et elle rendit à Quentin son salut avec un sourire de condescendance ; l’instant d’après, elle dit quelques mots à l’oreille de sa compagne, qui se tourna vers le jeune soldat, comme pour vérifier quelque remarque qui venait de lui être faite, et à laquelle elle répondit sans lever les yeux. Quentin ne put s’empêcher de soupçonner que l’observation faite à la jeune dame n’était nullement défavorable pour lui, et il éprouva, je ne sais pourquoi, un certain plaisir à penser qu’elle s’était gardée de lever les yeux pour juger de sa justesse. Il pensa probablement qu’il commençait déjà à s’établir entre eux quelque rapport secret qui donnait de l’importance à la moindre bagatelle.

Cette réflexion ne l’occupa qu’un moment ; car l’entrevue de la princesse et des deux dames étrangères absorba bientôt toute son attention. En les voyant entrer, Jeanne s’était arrêtée pour les attendre, peut-être parce qu’elle avait la conviction que la marche ne lui était pas favorable ; et, comme elle paraissait éprouver quelque embarras en recevant ou en leur rendant leurs révérences, la plus âgée des deux étrangères, ignorant le rang de la personne à laquelle elle s’adressait, ne se fit aucun scrupule de lui rendre son salut d’un air qui laissait voir qu’elle croyait faire plus d’honneur qu’elle n’en recevait.

« Je suis enchantée, madame, » lui dit-elle avec un sourire de condescendance et d’encouragement, « qu’il nous soit enfin permis de jouir de la société d’une personne de notre sexe aussi respectable que vous le paraissez. Il faut convenir que ma nièce et moi nous avons eu bien peu de motifs de nous louer de l’hospitalité du roi Louis. Laissez-moi, ma nièce, ne me tirez pas par la manche ; je suis sûre que je lis dans les regards de cette jeune demoiselle la sympathie qu’elle éprouve pour notre situation. Depuis notre arrivée ici, noble dame, nous n’avons guère été mieux traitées que comme des prisonnières ; et après nous avoir fait mille invitations de mettre notre cause et nos personnes sous la protection de la France, le roi très-chrétien ne nous a d’abord donné pour résidence qu’une misérable auberge, et maintenant, dans ce château vermoulu, un coin obscur d’où il ne nous est permis