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toire de sa lointaine patrie, et particulièrement au district dans lequel il avait pris naissance. Cette occupation remplit un temps assez considérable, et il était déjà plus de deux heures après midi quand l’appétit de Quentin le fit souvenir que les bons pères d’Aberbrothock, s’ils exigeaient strictement sa présence aux heures des offices, n’étaient pas moins exacts à l’appeler à celles des repas ; au lieu qu’ici, dans l’intérieur d’un palais royal, après une matinée d’exercice, et une autre partie de la journée passée en faction, personne ne paraissait songer qu’il devait naturellement être pressé de dîner.

Il existe cependant des sons remplis de charmes qui peuvent calmer même les sentiments naturels d’impatience que Quentin éprouvait en ce moment. Aux deux extrémités opposées de la galerie étaient deux grandes portes ornées de lourdes architraves, qui donnaient probablement entrée dans de longues files d’appartements auxquels la galerie servait de communication. Tandis que le jeune Écossais se promenait solitairement de l’une à l’autre de ces portes, limite de sa faction, il fut surpris par les sons d’une musique qui se fit entendre tout à coup près de l’une d’elles ; et ces sons, du moins dans son imagination, étaient produits par le même luth et par la même voix qui l’avaient charmé la veille. Tous ses rêves du jour précédent, déjà bien affaiblis par l’agitation que les dernières circonstances lui avaient fait éprouver, s’offrirent de nouveau à son esprit d’une manière d’autant plus vive ; si bien que, cloué en quelque sorte dans le lieu d’où son oreille pouvait le plus commodément saisir cette douce mélodie, l’arquebuse sur l’épaule, la bouche entr’ouverte, l’œil et l’oreille, toute son âme enfin, dirigés vers l’endroit d’où elle partait, Quentin ressemblait à la statue d’une sentinelle plutôt qu’à un être animé, et n’avait plus d’autre idée que celle de recueillir chaque son au passage.

Ces sons délicieux ne se faisaient pas entendre d’une manière suivie ; ils languissaient, ils se prolongeaient, ils cessaient totalement, puis se renouvelaient à des intervalles irréguliers. Mais la musique, de même que la beauté, est souvent d’autant plus attrayante, ou du moins frappe d’autant plus l’imagination, qu’elle ne déploie qu’imparfaitement ses charmes, laissant la pensée libre de compléter ce que l’éloignement ne permet pas d’apercevoir ; et Quentin, lorsque par intervalles le charme cessait d’agir, avait encore de nombreux sujets de rêverie. D’après le rapport des cama-