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chêne : là, branlant de nouveau la tête, il parut recevoir un si grand soulagement de ce mouvement d’oscillation, que, semblable à ce jouet d’enfant qu’on appelle un mandarin, il le continua jusqu’à ce qu’il tombât dans un assoupissement dont il ne fut tiré que par le signal du dîner.

Ayant laissé son oncle à ses sublimes méditations, Quentin Durward suivit son guide, maître Olivier, qui, sans traverser aucune des cours principales, le conduisit par des passages secrets, dont les uns étaient voûtés et les autres tout à fait ouverts, enfin à travers un labyrinthe, d’escaliers et de galeries, qui communiquaient entre elles par des portes secrètes placées en des endroits où on ne se serait nullement attendu à les trouver. Il parvint ainsi jusque dans une grande et spacieuse galerie garnie de jalousies, et qui, vu sa largeur, aurait presque pu passer pour une salle : elle était décorée d’une tapisserie moins belle qu’antique, et de quelques portraits peints dans le style dur et froid de l’époque qui précéda celle où les arts renaissants jetèrent un si vif éclat. Ces portraits étaient censés représenter les paladins de Charlemagne, qui tiennent un rang si distingué dans les chroniques romanesques de la France ; et, comme le célèbre Roland, remarquable par une stature gigantesque, était le plus remarquable de tous, on avait donné à cette espèce de salle le nom de galerie de Roland.

« C’est ici que vous devez être en faction, » dit Olivier à voix basse, comme s’il eût pensé que les portraits des monarques et des guerriers qui l’environnaient, offensés de lui entendre élever la voix, allaient donner à leurs traits rudes et durs l’expression de la colère, ou bien comme s’il eût craint d’éveiller les échos endormis sous les voûtes et les ornements gothiques de cet immense et sombre appartement. — « Quel est le mot d’ordre ? quelle consigne me donnez-vous ? » lui demanda Quentin également à voix basse. — « Votre arquebuse est-elle chargée ? » répliqua Olivier sans répondre à cette question. — « Cela sera bientôt fait, » répondit Quentin, et il se mit à charger son arme, puis il en alluma la mèche[1] au brasier d’un feu de bois presque éteint, qui se trouvait dans une cheminée de dimensions tellement grandes que l’on aurait pu la prendre pour un cabinet ou une chapelle gothique dépendant de cette salle.

  1. Les premières armes à feu n’étaient qu’un canon monté sur un fût en bois ; on y mettait le feu au moyen d’une mèche ; plus tard, on y adapta un rouet qui enfin a été remplacé par le mécanisme employé aujourd’hui. a. m.