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dire que toi à l’apprendre, si je le savais au juste moi-même. Cependant, Dunois, supposons que je me décide pour la guerre, que dois-je faire de cette belle, riche et jeune héritière, si effectivement elle est dans mes états ? — La donner en mariage à un de vos vaillants serviteurs, qui aura un cœur pour l’aimer et un bras pour la défendre. — À toi, n’est-il pas vrai ? Pâques-Dieu ! avec ta brusque franchise, tu es plus politique que je ne croyais. — Je ne suis rien moins que politique, Sire. Par Notre-Dame d’Orléans ! je vais directement au but, de la même façon que, dans la lice, je pousse mon cheval vers la bague. Votre Majesté doit à la maison d’Orléans au moins un heureux mariage. — Et j’acquitterai ma dette, comte ! Pâques-Dieu ! je l’acquitterai. Ne voyez-vous pas ce beau couple ? »

En prononçant ces mots, Louis indiquait le malheureux duc d’Orléans et la princesse Jeanne, qui, n’osant se tenir à une plus grande distance du roi, ni paraître, en sa présence, se séparer l’un de l’autre, s’avançaient de front, quoique laissant entre eux un intervalle de deux ou trois pas, distance que la timidité d’un côté et l’aversion de l’autre empêchaient de diminuer, tandis qu’aucun d’eux n’osait l’augmenter.

Dunois suivit de l’œil la direction dans laquelle le roi avait étendu le bras ; et comme la situation de son malheureux parent et de sa fiancée lui représentait parfaitement l’idée de deux chiens qui, attachés ensemble à la laisse, se tiennent néanmoins aussi éloignés l’un de l’autre que le leur permet sa longueur, il ne put s’empêcher de secouer la tête, sans oser faire d’autre réponse au tyran hypocrite.

Louis parut deviner sa pensée : « Ce sera un ménage heureux et tranquille, dit-il ; les enfants ne leur causeront pas de grands embarras, à ce que je puis prévoir ; au reste, ce n’est pas toujours un bonheur d’en avoir. »

Ce fut peut-être le souvenir de son ingratitude envers son père qui fit que le roi se tut après avoir prononcé ces dernières paroles, et que le sourire ironique, qui un instant contourna ses lèvres, se changea en une sorte d’expression de remords. Mais bientôt il reprit la parole sur un autre ton.

« Franchement, mon cher Dunois, quoique je révère infiniment le saint nœud du mariage (ici il fit un signe de croix), plutôt que de voir ce royaume déchiré, comme l’est l’Angleterre, par des guerres que suscite la rivalité des prétendants légitimes à la cou-