Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/125

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le muletier à ton coutelier ? — Milord, puisque Votre Seigneurie veut le savoir, répondit Arnot, il lui a dit sous le secret que ces deux dames qu’il venait de conduire au château, dans ces litières fermées, étaient de grandes dames, qui depuis quelques jours logeaient en secret chez son maître ; que le roi leur avait fait plusieurs visites avec beaucoup de mystère, et leur avait rendu de grands honneurs ; enfin, qu’elles s’étaient réfugiées au château par la crainte, à ce qu’il croyait, que leur causait le comte de Crèvecœur, ambassadeur du duc de Bourgogne, dont l’approche venait d’être annoncée par un courrier qui le précédait. — Oh ! oh ! André, est-ce de cela qu’il s’agit ? dit Guthrie. En ce cas, je jurerais que c’est la comtesse que j’ai entendue chanter en s’accompagnant sur un luth, au moment où je traversais la cour intérieure pour me rendre ici. Le son partait des fenêtres cintrées de la tour du Dauphin, et cette mélodie était telle que jamais personne n’en a entendu une semblable dans le château du Plessis du Parc. Sur ma foi, j’ai cru que c’était de la musique de la composition de la fée Mélusine ; et quoique je susse que la table était servie, et que vous m’attendiez avec impatience ; je demeurais planté là comme… — Comme un âne, John Guthrie, interrompit le commandant ; ton long museau flairant le dîner, tes longues oreilles entendant la musique, et ton peu de jugement ne te permettant pas de décider auquel des deux tu devais donner la préférence… Écoutez ; la cloche de la cathédrale ne sonne-t-elle pas les vêpres ? Bien certainement il n’en est pas encore l’heure. Le vieux fou de sacristain sonne l’office du soir une heure trop tôt. — Ma foi, la cloche ne sonne que trop juste à l’heure, dit Cunningham ; car voilà le soleil qui descend sous l’horizon, à l’occident de cette belle plaine. — Ah ! dit lord Crawford, cela est-il croyable ? Allons, mes enfants, il faut savoir se renfermer dans de justes bornes. Qui va doucement va long-temps… Feu doux fait bière douce… Être gai et sage, est un excellent proverbe… Ainsi, encore une rasade à la prospérité de la vieille Écosse, après quoi chacun retournera à son poste. »

La coupe d’adieu fut vidée et les convives congédiés, tandis que, d’un air de dignité, le vieux baron prit le bras du balafré, sous prétexte de lui donner quelques instructions au sujet de son neveu, peut-être aussi, dans le fait, de crainte que son pas majestueux ne parût aux yeux de sa troupe moins ferme qu’il ne convenait à son rang et à sa dignité personnelle. Il traversa avec