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le désir de l’imiter, parmi les autres peuples de l’Europe, et la fourberie dont il usa envers plusieurs de ses contemporains détermina les autres à se mettre sur leurs gardes. L’esprit de chevalerie, quoiqu’il eût déjà perdu beaucoup de sa force, survécut au règne de ce mauvais prince, qui s’efforça d’en ternir le lustre ; et long-temps après la mort de Louis XI il inspira le chevalier sans peur et sans reproche, ainsi que le galant monarque François Ier.

En effet, quoique le règne de Louis ait été, sous le point de vue politique, aussi prospère que lui-même avait pu le désirer, le spectacle de son agonie put servir de préservatif contre la séduction de son exemple. Jaloux de tout le monde, mais principalement de son fils, il s’enferma dans son château du Plessis, confiant exclusivement sa personne à la foi douteuse d’Écossais mercenaires. Ne sortant jamais de son appartement, n’y admettant personne, il fatiguait le ciel et les saints de prières, non pas pour le pardon de ses péchés, mais pour la prolongation de sa vie. D’une faiblesse d’esprit qui paraîtra sans doute incompatible avec son astucieuse finesse, il importunait ses médecins au point de se faire insulter et dépouiller par eux. Dans son extrême désir de vivre, il envoya chercher en Italie de soi-disant reliques et, ce qui est plus étonnant encore, un ignorant et stupide paysan, qui sans doute par fainéantise s’était enfermé dans une caverne et avait renoncé à manger de la viande, du poisson, des œufs et toute espèce de laitage. Cet homme, qui ne possédait pas la moindre teinture des lettres, Louis le reçut comme si c’eût été le pape lui-même, et fonda même deux monastères pour gagner ses bonnes grâces.

Au milieu de ses superstitions, quelle bizarrerie dans sa manière de considérer la santé corporelle et la félicité terrestre, qui semblaient être les seuls objets de ses vœux ! Quand on parlait de sa santé, il défendait sévèrement que l’on fît mention de ses péchés ; et un jour que, d’après son ordre, un prêtre récitait une prière à saint Eutrope, dans laquelle il implorait pour le roi la santé du corps et de l’âme, Louis lui ordonna de supprimer les deux derniers mots, disant qu’il n’était pas prudent d’importuner les bienheureux saints par deux demandes à la fois. Peut-être pensait-il qu’en se taisant sur ses crimes, il parviendrait à en soustraire la connaissance aux célestes patrons dont il invoquait l’assistance pour son corps.

Les tortures méritées qu’éprouva ce tyran à l’agonie furent si grandes, que Philippe de Comines établit une comparaison métho-