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leurs si défavorable à la cavalerie à cause des taillis et des buissons, que deux seulement furent renversés et faits prisonniers : l’un de ces malheureux était le jeune homme armé d’un sabre, et il ne fut arrêté qu’après une longue résistance. Quentin, que la fortune semblait avoir choisi pour but à ses traits, fut saisi en même temps par les soldats, qui, malgré ses vives réclamations, lui lièrent les bras avec une corde : ceux qui le tenaient ainsi déployèrent tant de dextérité et de promptitude dans leurs opérations, que l’on voyait aisément qu’ils n’étaient pas novices en matière de police.

Jetant un regard d’inquiétude sur le chef des cavaliers, de qui il espérait obtenir sa mise en liberté, Quentin ne sut pas bien exactement s’il devait se réjouir ou s’alarmer lorsqu’il reconnut en lui le sournois et silencieux compagnon de maître Pierre. À la vérité, de quelque crime que l’on pût accuser ces étrangers, cet officier ne pouvait ignorer, d’après l’aventure de la matinée même, que Durward n’avait avec eux aucune liaison quelconque : mais une question plus difficile à résoudre était celle de savoir si cet homme farouche serait pour lui un juge favorable ou un témoin disposé en sa faveur, et Quentin ne savait trop s’il rendrait sa situation moins dangereuse en s’adressant directement à lui.

Mais il ne resta pas long-temps dans cet état d’incertitude. « Trois-Échelles, Petit-André, » dit à deux hommes de sa troupe l’officier à figure sinistre, « ces arbres se trouvent là fort à propos. J’apprendrai à ces mécréants, à ces brigands de sorciers, à entraver la justice du roi lorsqu’elle a frappé quelqu’un de leur maudite race. Descendez de cheval, mes enfants, et remplissez vos fonctions lestement ! »

Trois-Échelles et Petit-André eurent bientôt mis pied à terre, et Quentin remarqua que chacun d’eux avait à la croupière et au pommeau de sa selle plusieurs cueilles ou rouleaux de corde ; ils les déployèrent à la hâte, et le mirent ainsi à même de voir que chaque cueille avait justement la longueur d’une art[1], ayant un nœud coulant tout disposé pour l’exécution. Le sang de Quentin se glaça dans ses veines lorsqu’il les vit choisir trois cordes et se disposer à lui en passer une autour du cou. Il appela à haute voix l’officier, lui rappela leur rencontre du matin, réclama les droits d’un Écossais libre, dans un pays ami et allié, et déclara qu’il n’a-

  1. Terme de pratique, pour signifier la corde servant jadis à étrangler les criminels. a. m.