Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 19, 1838.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’un extérieur décent se trouvassent offensés d’une question très-simple et faite avec politesse, qu’il lui fut impossible de se fâcher de la grossièreté de leur réponse : il resta comme ébahi, les regardant pendant qu’ils s’éloignaient d’un pas précipité et en tournant de temps en temps la tête de son côté, comme s’ils eussent désiré se mettre le plus tôt possible hors de sa portée.

Il rencontra ensuite une troupe de vignerons, et leur adressa la même question. Pour toute réponse, ils lui demandèrent s’il avait affaire à maître Pierre le maître d’école, ou à maître Pierre le charpentier, ou à maître Pierre le bedeau, ou à une demi-douzaine d’autres maîtres Pierre. La description qu’ils lui firent de chacune de ces personnes ne s’accordant en rien avec celui qu’il cherchait, les paysans l’accusèrent d’être un impertinent, et paraissaient disposés à tomber sur lui et à le charger de coups pour le punir de ses railleries ; mais le plus âgé, qui avait quelque influence sur les autres, les engagea à renoncer à tout acte de violence.

« À son accent et à son bonnet de fou, vous voyez, dit-il, que c’est un de ces charlatans étrangers que les uns appellent magiciens et diseurs de bonne aventure, les autres jongleurs, ou autre chose. Savons-nous les tours qu’ils peuvent nous jouer ? J’ai entendu parler d’un de ces gens qui avait payé un liard à un pauvre homme pour manger tout son soûl de raisin dans sa vigne, et qui en mangea au moins la charge d’une charrette, et cela sans défaire un seul bouton de sa jaquette. Ainsi, laissons-le passer tranquillement et poursuivre son chemin, comme nous poursuivrons le nôtre. Et vous, l’ami, de crainte de pire, passez votre chemin, au nom de Dieu, au nom de Notre-Dame de Marmoutiers et de saint Martin de Tours, et ne nous ennuyez pas davantage de votre maître Pierre, qui, pour ce que nous en savons, pourrait bien n’être qu’un autre nom pour indiquer le diable. »

Le jeune Écossais, ne se trouvant pas le plus fort, jugea que le meilleur parti qu’il eût à prendre était de continuer sa route sans répondre ; mais les paysans, qui s’étaient d’abord éloignés de lui avec une sorte d’horreur pour ses talents en sorcellerie et sa voracité à manger du raisin, reprirent courage lorsqu’ils le virent à une certaine distance, et après avoir poussé quelques cris et proféré quelques malédictions, finirent par les appuyer d’une grêle de pierres, quoiqu’ils fussent trop éloignés pour faire le moindre mal à l’objet de leur aversion. Quentin, tout en continuant sa route, commença à croire à son tour, ou qu’il était sous l’influence