Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/98

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cipal, au milieu duquel la comtesse de Derby cheminait montée sur le palefroi de lady Peveril, car le sien était encore trop fatigué du voyage qu’elle avait fait de Londres au château de Martindale. Elle était suivie d’un écuyer fidèle et d’une femme de chambre ; auprès d’elle se tenaient, pour la protéger, le chevalier du Pic et trois files d’hommes déterminés et vigoureux. Whitaker et Lance-Outram formaient l’arrière-garde, comme gens de confiance et chargés de couvrir la retraite. Ils marchaient, selon le proverbe espagnol, la barbe sur l’épaule, regardant autour d’eux de temps à autre, et prenant toutes les mesures nécessaires pour apercevoir promptement ceux qui pouvaient les poursuivre.

Cependant, quelque sage et habile que fût Peveril dans la discipline, il ne brillait pas par la politique. Il avait communiqué à Whitaker, sans aucune nécessité, le motif de leur expédition, et Whitaker, à l’exemple de son maître, avait été aussi communicatif envers son camarade Lance-Outram, le garde forestier.

« Voilà qui est assez étrange, maître Whitaker, » dit ce dernier quand il eut appris de quoi il s’agissait, « et je voudrais bien que vous, qui êtes un homme d’esprit, vous puissiez m’expliquer pourquoi, lorsque nous n’avons cessé de souhaiter le retour du roi, de prier pour le roi, de combattre pour le roi, et de mourir pour le roi pendant vingt années, la première chose que nous fassions à son retour soit de nous armer pour nous opposer à l’exécution d’un de ses mandats. — Taisez-vous, jeune fou, dit Whitaker ; est-ce là tout ce que vous savez du fond de l’affaire ? Sachez que, dès le commencement de tout ceci, nous nous sommes battus pour la personne du roi contre son mandat, et je me rappelle fort bien que toutes les proclamations de ces coquins étaient faites au nom du roi et du parlement. — Vraiment ! répliqua Lance ; en bien ! s’ils veulent recommencer si tôt à battre le gibier et à envoyer des warrants au nom du roi contre ses fidèles sujets, vive notre vaillant maître ! il saura s’en servir pour bourrer son fusil ; et si Bridgenorth nous fait la chasse, je ne serai pas fâché de lui en envoyer un avec ma carabine. — Pourquoi cela ? mon garçon, dit Whitaker ; ce n’est, j’en conviens, qu’une maudite tête-ronde, un chien de puritain ; mais il n’est pas mauvais voisin. Que t’a-t-il fait à toi ? — Il a braconné sur les terres du château, répondit le garde forestier. — Allons donc ! cela est impossible, répondit Whitaker ; tu plaisantes, Lance, Bridgenorth n’est ni chasseur ni fauconnier : il n’est pas assez noble pour cela.