Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/79

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fortement que la réciprocité des obligations ; qu’il soit devenu le chef des scélérats qui enfoncèrent les portes de mon appartement, et m’enfermèrent, ainsi que mes enfants, dans l’un de mes châteaux ; qu’il ait usurpé le pouvoir, et qu’il soit devenu le tyran dominateur de l’île : que tout cela enfin ait été fait par William Christian, mon vassal, mon serviteur, mon ami, c’est un acte d’ingratitude et de perfidie dont même ce siècle de trahison offre à peine un exemple ! — Et vous êtes devenue prisonnière dans votre propre royaume ? dit lady Peveril. — Pendant plus de sept années j’ai souffert une étroite captivité, reprit la comtesse. Il est vrai qu’on m’offrit la liberté et même quelques moyens d’existence, si je voulais consentir à abandonner l’île, et donner ma parole que je ne chercherais point à réintégrer mon fils dans les droits de son père. Mais ils ne connaissaient ni la noble maison dont je tire mon origine, ni la maison royale de Stanley que mon influence a soutenue ; ils connaissaient peu Charlotte de la Trémouille, ceux qui pensaient qu’elle pût s’abaisser à un si honteux compromis. J’aurais préféré mourir de faim dans le plus sombre cachot de Ruschin Castle, plutôt que de consentir à diminuer de l’épaisseur d’un cheveu les droits de mon fils sur les domaines de son père. — Quoi ! la fermeté de votre conduite dans un moment où tout espoir semblait perdu, ne les engagea point à être généreux et à vous rendre la liberté sans condition ! — Ils me connaissent mieux que toi, flatteuse, répondit la comtesse. Une fois en liberté, j’aurais bien su trouver les moyens de troubler leur usurpation, et Christian aurait plutôt tiré une lionne de sa cage de fer pour combattre avec elle, qu’il ne m’eût laissé la plus légère possibilité de recommencer la lutte avec lui. Mais le temps me gardait en réserve la liberté et la vengeance ; j’avais encore des amis et des partisans dans l’île, bien qu’ils eussent été forcés de céder à l’orage. J’en avais même parmi les insulaires, et la plupart d’entre eux avaient reconnu qu’ils s’étaient trompés dans les espérances qu’ils avaient fondées sur un changement de domination. Leurs nouveaux maîtres les avaient chargés d’impôts ; leurs privilèges, leurs immunités étaient abolis sous prétexte que leur condition devait être égale à celle des autres sujets de la soi-disant république. Quand on reçut la nouvelle de la révolution qui s’opérait dans la Grande-Bretagne, ils me firent connaître secrètement leurs sentiments ; et une insurrection aussi subite et aussi infaillible dans ses résultats que celle qui m’avait faite captive,