Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tre Ellesmère aujourd’hui, car autrefois elle était la mienne, a pris soin de me faire préparer un logement ; elle remplissait jadis, comme vous savez, les fonctions de quartier-maître, et sur une échelle plus étendue. Il faut que vous l’excusiez : c’est d’après mes ordres positifs qu’elle m’a logée dans la partie la plus secrète de votre château (la comtesse montra du doigt le panneau mobile) ; elle a exécuté mes volontés en cela, et sans doute aussi en vous invitant à vous rendre près de moi. — Je ne l’ai pas vu encore, répondit lady Peveril, et j’ignorais absolument une visite si agréable et si surprenante. — Et moi, dit la comtesse, j’ai été également surprise de ne trouver que ces deux beaux enfants dans cet appartement où je croyais vous avoir entendue marcher. Notre Ellesmère est devenue négligente, votre indulgence l’a gâtée ; elle a oublié la discipline qu’elle avait apprise sous mes ordres. — Je l’ai vue prendre le chemin du parc » dit lady Peveril après un moment de réflexion ; « sans doute pour chercher la gouvernante des enfants, afin de les éloigner d’ici. — Ces enfants sont à vous ? Marguerite, dit la comtesse ; la Providence a béni votre union. — Voici mon fils, » reprit lady Peveril en montrant Julien, qui prêtait une oreille avide à tous ces discours : « quant à cette petite fille, en vérité, je puis dire aussi qu’elle est à moi. »

Le major Bridgenorth, qui pendant cet entretien avait repris sa fille dans ses bras et la caressait, la mit à terre lorsqu’il entendit ces paroles, soupira profondément, et s’avança vers une fenêtre. Il savait fort bien que les règles ordinaires de la politesse voulaient qu’il se retirât, ou au moins qu’il offrît de le faire ; mais il avait en aversion toutes les cérémonies et les formules de l’étiquette, et il prenait un intérêt si vif au sujet sur lequel il était probable que la conversation allait tomber, qu’il crut pouvoir se dispenser d’obéir aux convenances. Les deux dames parurent à peine s’apercevoir de sa présence. La comtesse prit alors un siège, et fit signe à lady Peveril de s’asseoir sur un tabouret qui était à côté d’elle.

« Nous avons à parler des vieux temps, lui dit-elle ; quoique les rebelles aient cessé de se faire entendre, et ne soient plus là pour vous chasser de chez vous, et vous forcer à vous réfugier dans mes bras. — J’ai un fusil, madame, s’écria le petit Julien ; et le garde forestier m’a promis de m’apprendre à en tirer l’année prochaine. — Eh bien ! je vous prendrai à mon service comme soldat, répondit la comtesse. — Les femmes n’ont pas de soldats,