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L’étrangère vit son embarras, sourit et lui demanda de nouveau : « De quoi êtes-vous effrayé, mon brave garçon, et pourquoi n’iriez-vous pas chercher votre mère, comme je vous le demande ? — Parce que, » répondit Julien d’un ton ferme, « si je vous obéis, Alice restera seule avec vous. — Vous êtes un vaillant petit chevalier, dit la dame, et vous ne démentirez pas le sang de votre race ; elle n’a jamais laissé le faible sans protection. »

L’enfant ne la comprit pas, et continua à regarder d’un œil craintif et inquiet tantôt celle qui lui parlait, tantôt sa petite compagne, dont les regards enfantins se portaient aussi sur l’étrangère et sur son jeune protecteur. Enfin la terreur que Julien, malgré ses courageux efforts, ne pouvait cacher entièrement, la gagna si fort, qu’elle se jeta dans ses bras, s’attacha à lui et accrut à un tel point l’effroi qu’il éprouvait déjà, que bientôt il ne put s’empêcher de joindre ses cris aux cris perçants que poussait Alice.

Il est certain qu’il y avait dans le ton et les manières de cette étrangère quelque chose qui pouvait justifier sinon la terreur, au moins la crainte, vu surtout la singularité mystérieuse de son apparition. Son costume n’avait rien de remarquable ; c’était celui que les femmes de la petite noblesse portaient alors pour monter à cheval ; mais ses cheveux noirs étaient fort longs, et plusieurs mèches échappées de dessous son chaperon flottaient sur son cou et ses épaules. Ses yeux étaient excessivement noirs, vifs et perçants, et le caractère de ses traits indiquait une origine étrangère. Il y avait un léger accent dans son langage, bien qu’elle parlât un anglais très-pur. Son ton et ses gestes étaient ceux d’une femme habituée à commander et à être obéie. Ce fut cette idée principalement qui suggéra sans doute à Julien l’excuse qu’il allégua plus tard pour s’être laissé effrayer, assurant qu’il avait pris l’étrangère pour une reine enchantée.

Tandis que l’inconnue et les deux enfants s’observaient ainsi réciproquement, deux personnes entrèrent presque en même temps, mais par deux portes différentes, et la précipitation avec laquelle elles arrivèrent dans l’appartement prouvait qu’elles avaient été alarmées par les cris des enfants.

La première était le major Bridgenorth, qui avait reconnu la voix de sa fille à l’instant où il entrait dans la grande salle voisine de la chambre dorée. Son intention était d’attendre dans le salon de réception que lady Peveril parût, afin de la remercier et de lui