Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cheux. Les réjouissances n’étaient cependant pas encore tout à fait finies, car les cavaliers, dont les têtes étaient échauffées, ayant rencontré dans la rue quelques villageois encore éveillés, et réunis autour d’un feu qu’ils avaient allumé, se mêlèrent parmi eux, envoyèrent chercher aux Armes de Peveril, chez Roger Raine, l’honnête cabaretier dont on a déjà parlé, deux barils de vieille bière, et leur prêtèrent leur puissante assistance pour les boire à la santé du roi et du loyal général Monk. Les éclats de leur joie troublèrent long-temps le petit village, et y jetèrent même l’alarme pendant un moment ; mais il n’est point d’enthousiasme capable de résister toujours aux influences de la nuit et aux effets de libations copieuses. Le tumulte des joyeux royalistes fit enfin place au silence ; la lune et le hibou restèrent souverains paisibles de ces lieux, où le seul monument qui s’élevât avec orgueil au-dessus des autres habitations était la tour gothique de l’église, dont le sommet blanchâtre dominant un groupe de chênes noueux n’était visité que par l’oiseau nocturne et les rayons argentés de la lune.



CHAPITRE V.

LA REINE DE MAN.


Lorsque, bravant les assauts et la mine, ils arborèrent la bannière de leur chef légitime, ce fut à la voix d’une femme, qui, merveille de son sexe, sut inspirer de l’ardeur aux derniers de ses serfs et les rendre dignes de défendre son castel.
William S. Roze.


Le matin du jour qui suivit la fête, lady Peveril, fatiguée des occupations de la veille et des craintes qu’elle avait eues, garda son appartement deux ou trois heures plus tard que son activité et l’usage où l’on était alors de se lever de bonne heure ne lui en avaient donné l’habitude. Pendant ce temps, mistress Ellesmère, personne qui jouissait d’une grande confiance dans la famille, et qui s’arrogeait beaucoup d’autorité en l’absence de sa maîtresse, donna ordre à Deborah, gouvernante des enfants, de les conduire sur-le-champ dans le parc pour qu’ils y prissent l’air, et de ne laisser entrer personne dans la chambre dorée qui était ordinairement le théâtre de leurs jeux. Deborah, qui se révoltait souvent et quelquefois avec succès contre le pouvoir délégué à mistress Ellesmère, décida intérieurement qu’il allait pleuvoir et que la chambre dorée était un lieu beaucoup plus convenable pour faire