Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/65

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de souffrance dans celui de l’infortune et de l’humiliation, et maintenant compagnons de bonheur et de joie, chassèrent bientôt de leur mémoire le futile motif de mécontentement qui, dans l’opinion de quelques-uns, avait obscurci un moment la sérénité de ce jour de fête ; de manière que, lorsque lady Peveril entra dans la salle, accompagnée de ses enfants et suivie de ses femmes, elle fut accueillie par des acclamations dues à la maîtresse du banquet, à la dame du château, et à l’épouse du noble chevalier qui avait conduit au champ d’honneur la plupart d’entre eux avec une intrépidité et une valeur persévérante, dignes d’un meilleur succès.

Le discours qu’elle leur adressa fut court et noble, mais prononcé avec un tel accent de sensibilité, qu’il alla droit au cœur de chacun. Elle s’excusa de son apparition tardive en leur rappelant qu’il se trouvait en ce même moment au château de Martindale des hommes qui, d’ennemis qu’ils étaient jadis, se trouvaient transformés en amis, grâce aux heureux événements survenus depuis peu ; mais en qui ce dernier caractère n’avait pas encore eu le temps de se fortifier assez pour qu’elle pût sans imprudence négliger à leur égard le moindre point du cérémonial. Néanmoins, ceux auxquels elle s’adressait maintenant étaient les meilleurs, les plus chers, les plus fidèles amis de son mari ; c’était à eux et à leur valeur que Peveril devait les succès qui leur avaient valu ainsi qu’à lui tant de renommée pendant tous ces temps de malheurs ; c’était à leur courage en particulier qu’elle devait la conservation des jours de leur chef, de son époux, alors même qu’une défaite était inévitable. Quelques mots de félicitation sur l’heureux rétablissement de l’autorité royale terminèrent le discours qu’elle avait osé prononcer ; et, saluant avec grâce tous les convives qui l’entouraient, elle porta une coupe à ses lèvres, comme pour célébrer leur bienvenue chez elle.

Il restait encore à cette époque, surtout parmi les vieux cavaliers, quelque étincelle de cet esprit qui inspirait Froissart lorsqu’il déclarait qu’un chevalier sentait son courage redoubler quand il était animé par les regards et les paroles d’une femme belle et vertueuse. Ce ne fut que sous le règne qui commençait à l’époque dont il est question, que la licence sans bornes du siècle, introduisant partout la débauche, dégrada le caractère des femmes et les avilit au point de ne plus les faire regarder que comme des instruments de plaisir. Le débordement des mœurs ôta à la so-