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lance de lady Peveril, que sur-le-champ il entonna le psaume :

Jour heureux ! ô mon âme, chante
Cet instant marqué par le ciel
Où l’on voit sous la même tente

Fleurir les fils d’Agar et les fils d’Israël.

Lady Peveril accepta cette espèce de salutation comme un retour de politesse et de courtoisie, et conduisit elle-même cette partie de ses convives dans l’appartement où un banquet aussi copieux que recherché était préparé pour eux ; elle eut même la patience d’y rester pendant que maître Nehemiah Solsgrace prononça un bénédicité d’une longueur démesurée, comme introduction au dîner. Sa présence fut jusqu’à un certain point un obstacle au zèle du digne ministre, dont l’allocution fut beaucoup plus diffuse, plus obscure et plus embarrassée que de coutume ; car il sentit qu’il ne pouvait terminer sa prière, comme il avait coutume de le faire, par une supplique au ciel pour que le pays fût délivré du papisme, de la prélature et de Peveril du Pic ; oraison qui lui était devenue si habituelle, qu’après de vains efforts pour conclure par une autre formule, il fut enfin obligé de prononcer à haute voix les premiers mots de ce qu’il répétait chaque jour, et de murmurer le reste de manière qu’il fût inintelligible même pour ceux qui étaient le plus près de lui.

Le silence du ministre fut suivi de ce tumulte qui annonce l’assaut livré par une compagnie affamée à une table bien servie. Lady Peveril saisit cette occasion pour sortir de l’appartement et aller recevoir l’autre partie de ses convives. Elle sentait qu’il était grandement temps de s’occuper d’eux, et elle craignait que les royalistes ne fussent disposés à mal interpréter la préférence qu’elle avait jugé à propos de donner aux puritains dès leur arrivée au château.

Ces craintes n’étaient pas tout-à-fait sans fondement. En vain l’intendant avait-il arboré sur l’une des grandes tours qui flanquaient l’entrée principale du château l’étendard royal avec cette devise orgueilleuse : Tandem triumphans ! tandis que sur l’autre tour on voyait flotter la bannière de Peveril du Pic, sous laquelle la plupart de ceux qui s’avançaient alors avaient combattu pendant tous les désastres de la guerre civile ; en vain répétait-il à haute voix et avec emphase : « Soyez les bienvenus, nobles cavaliers, soyez les bienvenus, généreux gentilshommes ! » un murmure sourd circulait parmi eux, et il était facile de voir qu’ils