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Mais des sentiments plus convenables au motif de leur visite au château de Martindale s’éveillèrent dans le sein des plus rigides de ces sectaires, lorsque la maîtresse du château, encore dans tout l’éclat de la beauté et de la jeunesse, parut sur le haut de la brèche, accompagnée des diverses femmes de sa suite, pour recevoir ses hôtes avec les honneurs et la courtoisie que son invitation leur donnait droit d’attendre. Elle avait quitté les vêtements noirs que depuis plusieurs années elle portait constamment ; elle était parée avec toute la splendeur convenable à son rang et à sa naissance. Pour des joyaux, elle n’en portait point ; mais ses longs cheveux noirs étaient ornés d’une guirlande de feuilles de chêne entremêlées de lis. Le chêne était l’emblème du salut que le roi avait trouvé dans cet arbre[1], et le lis celui de son heureuse restauration. Ce qui rendait la présence de lady Peveril plus agréable encore pour ceux qui la voyaient en ce moment, c’était la vue de deux enfants qu’elle tenait par la main, et dont l’un était connu de tous les puritains pour être la fille de leur chef, le major Bridgenorth, enfant qui avait été rendue à la vie et à la santé par les soins presque maternels de lady Peveril.

Si sa présence et celle de ces deux enfants exercèrent leur salutaire influence sur les gens d’un rang inférieur, on doit croire que le pauvre major en fut presque accablé. La rigidité de ses principes et de son caractère ne lui permettait pas de fléchir le genou et de baiser la main qui soutenait la petite orpheline ; mais l’expression affectueuse de son salut, le tremblement de sa voix, l’éclat de ses yeux, parlaient à celle à qui il s’adressait d’une manière plus éloquente que n’aurait pu le faire la salutation la plus humble d’un Persan. Quelques paroles de douceur et de politesse exprimant le plaisir qu’elle éprouvait à revoir ses amis et ses voisins, quelques questions adressées avec le ton de l’intérêt aux principaux individus de cette compagnie touchant leur famille et leurs affaires, achevèrent son triomphe sur les pensées amères et les souvenirs dangereux qui veillaient encore dans le sein des puritains, et disposèrent chacun à se livrer aux plaisirs de cette réunion. Solsgrace lui-même, bien qu’il pensât que son caractère de pasteur et ses devoirs l’obligeaient à surveiller la femme amalécite et à déjouer ses ruses coupables, ne put échapper au charme contagieux : il fut si touché des paroles de paix et de bienveil-

  1. Charles II, poursuivi par les républicains, s’était réfugié et tenu caché sur un chêne : ce qui le sauva. a. m.