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Armes de Peveril, aurait pu conduire à un combat général ; mais sir Jasper calma les esprits.

« Point de tapage, Dick, » dit le vieux chevalier au jeune franklin[1] ; « nous n’en voulons point, jeune homme, pour trois raisons : la première, parce que ce serait manquer à lady Peveril ; la seconde, parce que ce serait un attentat à la paix du roi ; la troisième, Dick, parce que si nous tombions sur ces misérables chanteurs de psaumes, tu pourrais fort bien t’en trouver plus mal que tu ne penses, mon garçon, ainsi que cela t’est déjà arrivé. — Qui, moi ? sir Jasper, s’écria Dick ; voudriez-vous faire croire que j’ai été étrillé par ces coquins ? Dieu me damne si cela m’est jamais arrivé, excepté dans ce maudit défilé où nous n’avions pas plus de front, de flanc et d’arrière-garde que si nous avions été des harengs entassés dans une tonne. — Ce fut pour cette raison, j’imagine, reprit sir Jasper, et pour remédier à cet inconvénient, que vous prîtes le parti de vous enfermer et de vous cacher, hommes et chevaux, dans les buissons que je battis avec mon bâton de commandant, ce qui vous obligea à en sortir ; et qu’au lieu de charger de front, vous tournâtes sur la droite, en courant aussi vite que vos jambes vous le permirent. »

Ce souvenir excita des éclats de rire aux dépens de Dick, qui était connu pour avoir plus de jactance que de courage, ou du moins qui en était soupçonné fortement. Le ressentiment, qui déjà s’éveillait parmi les royalistes fut heureusement calmé par la raillerie du chevalier ; et la cessation subite du chant qu’ils avaient été disposés à interpréter comme une insulte préméditée acheva de le faire disparaître complètement.

Le motif de l’interruption subite du chant religieux était l’arrivée des puritains près de la large brèche que jadis avaient faite dans les murs du château leurs canons victorieux. Les décombres et les bâtiments en ruine que traversait un sentier étroit et sinueux, semblable à ceux que les pas des voyageurs curieux tracent de loin à loin parmi les ruines de l’antiquité, semblaient avoir été disposés ainsi pour contraster fortement avec les tours grisâtres et massives que le temps ou les désastres de la guerre avaient respectées ; et cette vue était bien propre à leur rappeler les conquêtes qu’ils avaient faites sur leurs ennemis, et les chaînes dont ils avaient chargé les nobles et les princes.

  1. Nom que les Normands donnaient aux anciens barons ou thanes saxons d’Angleterre, comme on le voit dans Ivanhoe. Cette noblesse agricole fait valoir elle-même ses terres. a. m.