Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/588

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au reste de la noble compagnie un salut moins cérémonieux, sourit à Julien, et ne fut pas peu surprise à l’apparition inattendue de Fenella. Buckingham se mordit les lèvres, car il vit que l’arrivée de lady Derby dérangerait probablement tout son système de défense et il lança un coup-d’œil à Christian, dont le regard fixé sur la comtesse était animé de l’implacable malignité que l’on voit briller dans celui de la vipère, tandis que l’émotion violente qu’il éprouvait avait rendu ses joues presque noires.

« Y a-t-il quelqu’un ici que Votre Seigneurie reconnaisse, » dit gracieusement le roi, « outre vos anciens amis Ormond et Arlington ? — Je vois, mon suzerain, deux dignes amis de la maison de mon mari, répondit la comtesse : « sir Geoffrey Peveril et son fils, dont le dernier est un membre distingué de la maison de mon fils. — N’y a-t-il point quelque autre personne de votre connaissance ? continua le roi. — Une infortunée qui fait partie de ma maison, et qui disparut de l’île de Man, à l’époque où Julien Peveril en partit pour une affaire importante. On croyait qu’elle était tombée du haut des rochers dans la mer. — Votre Seigneurie avait-elle quelque raison de soupçonner (pardonnez-moi, dit le roi, de vous faire une pareille question), quelque intimité déplacée entre monsieur Peveril et cette jeune fille. — Mon suzerain, » dit la comtesse en rougissant d’indignation, « la réputation de ma maison ne fut jamais attaquée. — Ne vous fâchez pas, comtesse, dit le roi ; c’est seulement une question que je fais : de telles choses se voient dans les maisons les mieux réglées. — Non pas dans la mienne, sire, dit la comtesse ; d’ailleurs, Julien Peveril a trop de fierté et d’honneur pour s’engager dans une intrigue avec une malheureuse créature que sa triste situation met, pour ainsi dire, en dehors de l’humanité. »

Zarah la regarda, et serra les lèvres comme pour retenir les paroles qui étaient prêtes à s’en échapper.

« Je ne sais que penser, dit le roi. Ce que dit Votre Seigneurie peut être vrai en général, mais les goûts sont quelquefois si étranges ! Cette jeune fille ne paraît plus dans l’île de Man dès que le jeune homme la quitte ; et aussitôt qu’il paraît à Londres, on la voit dans le parc de Saint-James, sautant et dansant comme une sylphide. — Impossible ! dit la comtesse ; elle ne sait pas danser. — Je soupçonne, dit le roi, qu’elle sait faire plus de choses que Votre Seigneurie ne le soupçonne ou ne l’approuverait. »

La comtesse se redressa, et resta muette d’indignation.

Le roi poursuivit : « Peveril n’est pas plus tôt à Newgate, que, d’après ce que rapporte le respectable petit Hudson, notre jeune dégourdie s’y trouve incontinent. Sans demander comment elle y est entrée, je pense charitablement qu’elle avait trop bon goût